rait le drame historique naturaliste. Gustave Flaubert n'a pas
suivi une autre methode pour ecrire _Salammbo_. J'accepte parfaitement
le drame historique, ainsi compris, parce qu'il mene tout droit au drame
moderne, tel que je le demande. On ne peut pas etre exclusif: si l'on
ressuscite le passe, c'est tout le moins qu'on laisse vivre le present.
IV
M. Henri de Lapommeraye a fait une nouvelle conference sur le
naturalisme au theatre.
La these de M. de Lapommeraye est des plus simples. Il a apporte, sur
sa table de conferencier, un tas enorme de livres, et il a dit a son
auditoire, dont il est l'enfant gate: "Je vais vous prouver, en vous
lisant des passages de Diderot, de Mercier, d'autres critiques encore,
que le naturalisme n'est pas ne d'hier et que, de tout temps, on a
reclame ce que M. Zola reclame aujourd'hui." Il est parti de la, il a lu
des pages entieres, il a prouve de la facon la plus complete que j'ai le
tres grand honneur de continuer la besogne de Diderot.
J'avoue que je m'en doutais bien un peu. Mais je ne l'en remercie pas
moins de l'aide precieuse qu'il a bien voulu m'apporter. Mon Dieu! oui,
je n'ai rien invente; jamais, d'ailleurs, je n'ai eu l'outrecuidance
de vouloir inventer quelque chose. On n'invente pas un mouvement
litteraire: on le subit, on le constate. La force du naturalisme, c'est
qu'il est le mouvement meme de l'intelligence moderne.
Ainsi donc, il est bien entendu que Diderot a soutenu les memes idees
que moi, qu'il croyait lui aussi a la necessite de porter la verite au
theatre; il est bien entendu que le naturalisme n'est pas une invention
de ma cervelle, un argument de circonstance que j'emploie pour defendre
mes propres oeuvres. Le naturalisme nous a ete legue par le dix-huitieme
siecle; je crois meme que, si l'on cherchait bien, on le retrouverait,
plus ou moins confus, a toutes les periodes de notre histoire
litteraire. Voila ce que M. de Lapommeraye a etabli, et il ne pouvait me
faire un plus vif plaisir.
Seulement, ou M. de Lapommeraye a voulu m'etre desagreable, c'est
lorsqu'il a ajoute que toutes les reformes demandees par Diderot ont ete
prises en consideration, et qu'il n'y a pas lieu aujourd'hui de tenir
compte des idees exprimees dans ma critique dramatique. Il fait ses
politesses a Diderot, ce qui est naturel, puisque Diderot est mort. Mais
ne se doute-t-il pas que les confreres de Diderot disaient dans leur
temps, des theories de celui-ci, ce qu'il dit lui
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