formule romantique,
peut-etre plus grotesque encore; mais je fais appel a toute sa jeunesse,
a toute son ambition, et je le supplie d'ouvrir les yeux a la verite
moderne. Il y a une place a prendre, une place immense, ecrire la
tragedie bourgeoise contemporaine, le drame reel qui se joue chaque jour
sous nos yeux. Cela est autrement grand, vivant et passionnant, que les
guenilles de l'antiquite et du moyen age. Pourquoi va-t-il s'essouffler
et fatalement se rapetisser dans un genre mort? Pourquoi ne tente-t-il
pas de renouveler notre theatre et de devenir un chef, au lieu de
patauger dans le role de disciple? Il a de la volonte et une veritable
largeur de vol. C'est ce qu'il faut avoir pour aborder le vrai,
au-dessus des ecoles et du raffinement des artistes simplement
ciseleurs.
II
La tragedie en quatre actes et en vers, _Spartacus_, que M. Georges
Talray vient de faire jouer a l'Ambigu, a une histoire qu'il est bon de
conter pour en tirer des enseignements.
L'auteur, m'a-t-on dit, est un homme riche, bien apparente, qui a ete
mordu de la passion du theatre, comme d'autres heureux de ce monde sont
mordus de la passion du jeu, des femmes ou des chevaux. Certes, on ne
saurait trop le feliciter et l'encourager.
Un homme qui s'ennuie et qui songe a ecrire des tragedies en quatre
actes, lorsqu'il pourrait donner des hotels a des danseuses, est a coup
sur digne de tous les respects. Pouvoir etre Mecene et consentir a
devenir Virgile, voila qui denote une noble activite d'esprit, un souci
des amusements les plus dignes et les plus eleves.
Naturellement, M. Talray entend etre maitre absolu dans le theatre ou on
le joue. Quand on a le moyen de mettre ses pieces dans leurs meubles,
on serait bien sot de les loger en garni a la Comedie-Francaise ou a
l'Odeon. Cela explique pourquoi M. Talray s'est adresse une premiere
fois au theatre-Dejazet, et la seconde fois a l'Ambigu. Seules les
mechantes langues laissent entendre que M. Perrin et M. Duquesnel
auraient pu refuser ses pieces, fruits d'un noble loisir. M. Talray
veut simplement passer de son salon sur la scene, sans quitter son
appartement; et, s'il n'a pas bati un theatre, c'est que le temps a
du lui manquer. Il cherche donc une salle a louer, accepte le
premier theatre en deconfiture qui se presente, en se disant que les
chefs-d'oeuvre honorent les planches les plus encanaillees.
Une legende s'est formee sur la facon magnifique dont il s'est conduit
au thea
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