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l'observation. Que Scribe lui-meme soit jete au grenier, cela va de
soi, cela me donne raison; mais il n'en reste pas moins vrai que les
heritiers de Scribe sont encore en plein succes. Quand on joue une piece
"bien faite", comme il dit, est-ce que M. Sarcey ne se pame pas de joie?
Est-ce que ses feuilletons, son enseignement dramatique, ne concluent
pas toujours a ceci: "Reglez-vous sur le code, en dehors du code il n'y
a que des casse-cou"? Mon Dieu! je puis le lui avouer aujourd'hui: c'est
a lui que j'ai songe, lorsque j'ai imagine un critique conseillant a un
debutant de lire les classiques de la piece bien faite, Scribe, Duvert
et Lausanne, d'Ennery, etc. Sans doute les pieces mal faites de MM.
Meilhac et Halevy et de M. Gondinet reussissent parfois aujourd'hui;
mais il en pleure, et c'est moi qui m'en rejouis.
Meme malentendu au sujet de Moliere. M. Sarcey a souvent parle du metier
du theatre, paraissant faire de ce metier une science absolue, rigide
comme un traite d'algebre. J'ai repondu qu'il n'y avait pas un metier,
mais des metiers, que chaque epoque avait le sien; et, comme preuve,
j'ai avance que Moliere ignorait ce metier absolu qu'on jette dans les
jambes de tous les debutants. M. Sarcey declare que j'avance la "une
incongruite litteraire". Je serai plus aimable, je dirai simplement que
M. Sarcey ne sait pas me lire.
Eh! oui, Moliere est un "roublard" pour l'arrangement des scenes, pour
la distribution des materiaux dans une oeuvre. Il etait a la fois auteur
et acteur, il connaissait son "metier" mieux que personne. Il a meme
invente la plus admirable coupe de dialogue qui existe. Seulement,
cela n'empeche pas que _Tartuffe_ a un denouement enfantin et que le
_Misanthrope_ est plutot une dissertation dialoguee qu'une piece, si
l'on examine cette comedie a notre point de vue actuel. Aucun de nos
auteurs dramatiques ne risquerait un pareil denouement, ni une comedie
aussi vide d'action; tous craindraient d'etre siffles. Je n'ai pas dit
autre chose, le sens de code dramatique que je donnais au mot metier,
sortait naturellement de ce qui precedait.
Et je profite de l'occasion pour enregistrer l'aveu de M. Sarcey. Chaque
epoque a son metier. Qu'il reconnaisse maintenant que chaque auteur a le
sien et nous nous entendrons parfaitement. Seulement, il ne faudra plus
alors qu'il veuille regenter le theatre, parler de pieces bien faites et
de pieces mal faites. Du moment ou il n'y a pas une grammaire, un
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