e me suis pas
contente du mot realisme, qui avait cours il y a trente ans; uniquement
parce que le realisme d'alors etait une chapelle et retrecissait
l'horizon litteraire et artistique. Il m'a semble que le mot naturalisme
elargissait au contraire le domaine de l'observation. D'ailleurs, que ce
mot soit bien ou mal choisi, peu importe. Il finira par avoir le sens
que nous lui donnerons. C'est uniquement ce sens qui est la grande
affaire.
Et ici j'entre dans le vif de ma querelle avec M. Henry Fouquier. Il est
plein d'esprit, cela je ne le nie pas; mais il fait un raisonnement qui
m'a paru denoter une philosophie un peu puerile, cette philosophie du
coin du feu qui discute sur l'art de couper les cheveux en quatre. Voici
ce qu'il ecrit: "Je crois que l'erreur capitale du propagateur zele du
naturalisme consiste a avoir confondu le fond eternel des choses avec
les moyens d'expression." Puis, il s'explique: de tout temps les
artistes ont eu pour but de reproduire la nature, de se faire les
interpretes de la verite. Tous les artistes sont donc des naturalistes.
Ou ils commencent a differer, c'est lorsqu'ils expriment, par ce
que chaque groupe d'artistes, selon les temps, les milieux et les
temperaments, donne alors des expressions differentes de la nature.
C'est la seulement, d'apres M. Henry Fouquier, que les naturalistes
d'intention deviennent des idealistes, des classiques, des romantiques,
enfin toutes les varietes connues.
Parbleu! le raisonnement est superbe! Je jure a M. Henry Fouquier que
je ne confonds pas du tout le fond eternel des choses avec les moyens
d'expression. Ce fond eternel des choses est d'un bon comique dans cette
argumentation. Voyez-vous un gredin devant un tribunal, disant qu'il a
le fond eternel d'honnetete, mais que, dans la pratique, il n'en a pas
tenu compte? Ou en serions-nous, si l'intention suffisait dans les arts
et dans les lettres? Vous me la baillez belle, avec votre fond eternel
des choses! Que m'importe ce que veulent les artistes et les ecrivains?
C'est ce qu'ils me donnent qui m'interesse.
Evidemment, a toutes les epoques, les prosateurs comme les poetes ont eu
la pretention de peindre la nature et de dire la verite. Mais l'ont-ils
fait? C'est ici que les ecoles commencent, que la critique nait, qu'on
echange des montagnes d'arguments. Me dire que je me trompe, en ne
mettant pas tous les ecrivains sur une meme ligne et en ne leur donnant
pas a tous le nom de naturalistes, parc
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