j'ai dit vingt
fois a ce sujet. L'autre jour, en repondant a M. Sarcey, j'ai, une fois
de plus, donne mes arguments. Pour M. Henry Fouquier, il se declare
absolument satisfait; notre theatre contemporain l'enchante, il
le trouve superieur. Pour me convaincre, il m'envoie assister aux
_Fourchambault_; j'ai vu la piece, j'en ai dit mon sentiment, et il est
inutile que j'y revienne. Il n'y aurait qu'un moyen de me prouver que la
formule naturaliste a donne au theatre tout ce qu'elle doit donner: ce
serait de poser en face de Balzac un auteur dramatique de sa taille, ce
serait de me nommer une serie de pieces qui se tiennent debout devant la
_Comedie humaine_.
Si vous ne pouvez pas etablir cette comparaison, c'est qu'a notre epoque
le roman est superieur et et que le drame est inferieur. J'attends le
genie qui achevera au theatre l'evolution commencee. Vous etes satisfait
de notre litterature dramatique actuelle, je ne le suis pas, et j'expose
mes raisons. Plus tard, on saura bien lequel de nous deux se trompait.
Ce que j'abandonne volontiers a l'esprit si fin de M. Henry Fouquier, ce
sont mes pieces sifflees. La, il triomphe aisement, ayant l'apparence
des faits pour lui. Il a bien lu dans mes pieces et dans mes prefaces
des choses que je n'y ai jamais ecrites; mettons cela sur le compte de
son ardeur a me convaincre. C'est chose entendue, mes pieces ne valent
absolument rien; mais en quoi mon manque de talent touche-t-il la
question du naturalisme au theatre? Un autre prendra la place, voila
tout.
III
M. de Lapommeraye est un conferencier aimable, spirituel, d'une
elocution prodigieusement facile. La premiere fois que je l'ai entendu,
je suis reste stupefait de toutes les graces dont il a seme ses paroles.
Il parait adore de son public, devant lequel il lui sera toujours tres
facile d'avoir raison contre moi.
Dans une de ses dernieres conferences, a laquelle j'assistais, il a
constate d'abord la crise que nous traversons, l'effarement ou se
trouvent nos auteurs dramatiques, en ne sachant quelles pieces ils
doivent faire pour reussir. Et il a declare qu'il allait elucider la
question et indiquer la formule de l'art de demain. La-dessus, je
suis devenu tout oreille, car ce probleme ainsi pose m'interessait
singulierement. Je tatonnais encore, j'allais donc mettre enfin la
main sur la verite. Mais j'ai ete bien desillusionne, je l'avoue. Le
conferencier, apres des digressions brillantes, apres avoir oppose
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