e que tous ont l'intention de
reproduire la nature, c'est jouer sur les mots et faire de l'esprit
singulierement fin. J'appelle naturalistes ceux qui ne se contentent pas
de vouloir, mais qui executent: Balzac est un naturaliste, Lamartine est
un idealiste. Les mots n'auraient plus aucun sens si cela n'etait pas
tres net pour tout le monde. Quand on raffine, quand on amincit les mots
pour tourner spirituellement autour d'eux, il arrive qu'ils fondent et
que la page ecrite tombe en poussiere. Il faut moins de finesse et plus
de grosse bonhomie dans l'art.
Donc, je ne tiens compte du fond eternel des choses que lorsque
l'ecrivain en tient compte lui-meme et ne triche pas, volontairement
ou non. Le reste est une pure dissertation philosophique, parfaitement
inutile. Remarquez que je ne nie pas le genie humain. Je crois qu'on a
fait et qu'on peut faire des chefs-d'oeuvre en se moquant de la
verite. Seulement, je constate la grande evolution d'observation et
d'experimentation qui caracterise notre siecle, et j'appelle naturalisme
la formule litteraire amenee par cette evolution. Les ecrivains
naturalistes sont donc ceux dont la methode d'etude serre la nature et
l'humanite du plus pres possible, tout en laissant, bien entendu, le
temperament particulier de l'observateur libre de se manifester ensuite
dans les oeuvres comme bon lui semble.
M. Henry Fouquier, du moment que je n'entends pas modifier le fond
eternel des choses, est plein de dedain. Il voudrait peut-etre, pour se
declarer satisfait, me voir creer le monde une seconde fois. Ma tache
lui semble modeste, si je ne m'attaque qu'aux moyens d'expression. A
quoi veut-il donc que je m'attaque, a la terre ou au ciel? Mais, les
moyens d'expression, c'est tout le domaine de la critique; le reste
ne saurait nous regarder. Enfin, il pretend que j'enfonce les portes
ouvertes. Toujours le meme espoir decu de me voir faire quelque chose
d'extraordinaire. Mon Dieu! non, je n'ai pas de rocher ou je pontifie
et prophetise. Je ne tutoie pas Dieu. Je ne suis qu'un homme du siecle.
Quant aux portes, elles sont, il est vrai, sinon ouvertes, du moins
entr'ouvertes. Un battant tient encore, selon moi; j'y donne mon petit
coup de cognee. Que chacun fasse comme moi, et le passage sera plus
large.
Revenons au theatre. Si dans le roman le triomphe du naturalisme est
complet, je constate malheureusement qu'il n'en est pas de meme sur
notre scene francaise. Je ne rentrerai pas dans ce que
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