i, nos chimistes sont partis de l'etude de la nature, et
s'ils trouvent jamais la fabrication de l'or, ce sera par une methode
scientifique. Je suis comme eux, je n'ai pas de recettes, pas de
merveilles empiriques; j'emploie et je tache simplement de perfectionner
la methode moderne qui doit nous conduire a la possession de plus en
plus vaste de la verite.
Maintenant, je ne pense pas que personne ose nier l'evolution
naturaliste de notre age. Dans les sciences, le mouvement est
formidable, et ce sont precisement les travaux des savants qui ont donne
le branle a toute l'intelligence contemporaine. Les arts et les lettres
ont suivi; dans notre ecole de peinture, chez nos historiens, nos
critiques, nos romanciers, meme nos poetes, on peut suivre les
transformations considerables amenees par l'application des methodes
exactes. Eh bien! c'est cette evolution qui m'interesse, qui me
passionne. J'en suis la marche, le developpement; j'en attends le
triomphe definitif. Au theatre, cette evolution me parait marcher plus
lentement et ne pas encore produire les oeuvres qu'on doit en attendre.
Tout mon terrain de critique est la. Je n'ai pas la folle vanite de
croire que c'est moi qui vais determiner un mouvement de cette puissance
irresistible. Le courant impetueux passe, et je me jette au milieu, je
m'abandonne a lui, Certain qu'il doit me conduire ou va le siecle. Ceux
qui veulent le remonter, seront noyes, voila tout. Il serait aussi sot
de le nier que de dire: "C'est moi qui l'ai fait."
Mais mon plus grand crime, parait-il, est d'avoir lance dans la
circulation ce mot terrible de naturalisme, sur lequel M. Henry Fouquier
s'egaye avec la fine fleur de son esprit. Est-ce bien moi qui ai cree le
mot? je n'en sais ma foi rien! Enfin, je l'ai employe et j'en accepte
la paternite. C'est donc bien abominable de prendre un mot nouveau,
lorsqu'on eprouve le besoin de designer une chose ancienne d'une facon
saisissante. Mettons que la formule de la verite dans l'art nous vienne
de Platon et d'Aristote. Suis-je condamne a employer une periphrase pour
designer cette verite dans l'art? N'est-il pas plus commode de choisir
un mot, d'accepter un mot qui est dans l'air? Puis, il n'y a pas
d'absolu. Du temps de Platon et d'Aristote, la verite dans l'art a pu
avoir un nom qui ne lui convienne plus aujourd hui; si le fond est
eternel, les facons d'etre changent, la necessite d'appellations
nouvelles se fait sentir. On me demande pourquoi je n
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