nes. Le comique de l'histoire est que les journaux les plus
chauds a lancer Nordenskiold se sont montres ensuite les plus enrages a
le demolir. Il etait grand temps qu'il reprit le chemin de fer, car nous
aurions fini par lui faire un mauvais parti.
Et voici les farces qui recommencent avec madame Sarah Bernhardt.
En verite, les nerfs nous emportent, il faudrait soigner cela, car
l'indisposition tourne a l'affection chronique. Il n'est pas bon de se
detraquer de la sorte, a la moindre emotion.
Pendant huit ans, madame Sarah Bernhardt a ete l'idole de la presse
et du public. Il n'est pas d'hommage qu'on ne lui ait rendu; on l'a
couverte de bravos et de couronnes. Je crois que, pendant ces huit
annees, on ne trouverait pas une seule attaque contre elle, partant d'un
homme ayant quelque autorite. Il semblait qu'on eut signe un pacte pour
la trouver parfaite. Paris etait a ses pieds. Et brusquement, en une
nuit, tout a croule. Applaudie encore la veille au soir, le lendemain
elle n'avait plus aucun talent, mais aucun, rien du tout. La presse
entiere, qui lui appartenait le samedi, se tournait contre elle le
dimanche. On la maudissait, on l'execrait, a ce point, disait-on,
qu'elle n'oserait jamais reparaitre sur une scene francaise, par crainte
d'etre insultee. Grand Dieu! que s'etait-il donc passe? Un simple fait:
madame Sarah Bernhardt, cedant a son temperament de femme nerveuse,
venait de jeter dans la cornue la goutte d'acide sulfurique. Elle avait
donne sa demission.
Oh! la belle experience! Le precipite a lieu, d'apres les lois
naturelles, et le public s'effare. Paris semble croire qu'une telle
aventure, fort ordinaire, ne s'etait jamais vue. L'histoire de la
Comedie-Francaise est la pour repondre. Madame Sarah Bernhardt n'a, en
somme, que repete une fugue celebre de madame Arnould Plessy, sous le
souvenir de laquelle on l'a ecrasee, dans le role de Clorinde; et M.
Got, allant jouer la _Contagion_ a l'Odeon, malgre ses engagements,
avait egalement donne le mauvais exemple. On citerait bien d'autres
faits encore. Si l'on penetrait dans l'histoire intime de la
Comedie-Francaise, si l'on contait les revoltes de chacun, les plaintes,
les projets d'escapade, on verrait que le miracle est au contraire que
les demissions n'y soient pas plus nombreuses.
Je n'ai pas a defendre madame Sarah Bernhardt. Je ne suis, si l'on veut,
qu'un chimiste curieux d'experiences et tres interesse par celle qui se
passe en ce moment sous
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