, on l'adore; si bien
que, si le tribunal l'avait condamnee, on lui aurait certainement jete
des pommes cuites. Elle est acquittee, et tout de suite, du soir au
lendemain, on retombe sur elle, on la rejette au ruisseau, avec une
rudesse incroyable; ce n'est plus qu'une gredine, on lui conseille de
disparaitre. Sans doute, une analyse exacte nous donnerait les causes de
ces mouvements contraires et si precipites. Mais, pour les braves gens
qui regardent en simples curieux le spectacle de la vie, quel joli
peuple de pantins nous faisons!
Je me suis tenu a quatre pour ne pas parler en son temps de cette
affaire. Elle etait un exemple si decisif de roman experimental! Voila
une histoire bien banale, une histoire comme il y en a cent mille a
Paris: une femme prend pour amant un monsieur fort correct, un galant
homme, dont elle a un enfant, et qui la quitte, ennuye de sa paternite,
apres avoir eu l'idee plus ou moins nette d'un avortement. On coudoie
cela sur les trottoirs, et personne ne songe meme a tourner la tete.
Mais attendez, voici l'experience qui se pose: Marie Biere, de
temperament particulier, produit d'une heredite dont il a ete question
dans les debats, tire un coup de pistolet sur son amant; et, des lors,
ce coup de pistolet est comme la goutte d'acide sulfurique que le
chimiste verse dans une cornue, car aussitot l'histoire se decompose,
le precipite a lieu, les elements primitifs apparaissent. N'est-ce pas
merveilleux? Paris s'etonne qu'un galant homme fasse des enfants et ne
les aime pas; Paris s'etonne que l'avortement soit a la porte de tous
les concubinages. Ces choses ont lieu tous les jours, seulement il ne
les voit pas, il ne s'y arrete pas; il faut que l'experience les montre
violemment, que le coup de pistolet parte, que la goutte d'acide tombe,
pour qu'il reste stupefait lui-meme de sa pourriture en gants blancs.
Dela, cette grosse emotion, en face d'une aventure tellement commune,
qu'elle en est bete.
Nous avons eu aussi un joli exemple de felure avec le fameux
Nordenskiold.
Pendant huit jours, tout a ete pour Nordenskiold, une reception
princiere, des arcs de triomphe, des galas, des hommages enthousiastes
dans la presse. Il semblait que le voyageur eut decouvert une seconde
fois l'Amerique. Puis, brusquement, le vent a tourne, Nordenskiold
n'avait rien decouvert du tout; un simple charlatan qui avait fait une
promenade a Asnieres, un pitre auquel on reprochait les diners qu'on lui
avait don
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