taient, pour la plupart, d'une banalite et d'une incoherence telles que
Gaston, assurement, n'avait pas pu les lire et les relire pour leur
agrement. S'il les avait si souvent feuilletees, au point d'en user le
papier, il fallait donc qu'il leur demandat autre chose que ce qu'elles
donnaient reellement.
Quelle chose?--le parfum d'un amour qui lui etait reste cher--ou
l'eclaircissement d'un mystere qui n'avait cesse de le tourmenter?
C'etait ce qu'il fallait trouver, ou tout moins chercher sans idee
preconcue, avec un esprit libre, resolu a ne se laisser diriger que par
la verite.
La premiere lettre commencait a l'installation de Leontine a Bordeaux,
dans une maisonnette du quai de la Souys, c'est-a-dire a une courte
distance de la gare du Midi, par ou Gaston arrivait et repartait; elle
se rapportait presque exclusivement a cette installation, sur laquelle
elle insistait avec assez de details pour qu'on put retrouver cette
maisonnette si elle etait encore debout; en quelques mots seulement elle
se plaignait de la tristesse que lui promettait cette nouvelle
existence, loin de sa soeur, loin de son pays, enfermee dans cette
maison isolee, ou elle n'aurait pour toute distraction que le passage
des trains sur le pont, et la vue des bateaux de riviere qui montaient
et descendaient avec le mouvement de la maree; mais c'etait un sacrifice
qu'elle faisait a son amour, sans se plaindre.
Dans la suivante, la plainte se precisait: qui lui eut dit qu'elle
serait obligee de se cacher dans le faubourg d'une grande ville, sous un
nom faux, et que la recompense de sa tendresse et de sa confiance serait
cette vie miserable de fille deshonoree? quelle plus grande preuve
d'amour pouvait-elle donner que de l'accepter? En serait-elle
recompensee un jour? Tout ce qu'elle demandait dans le present, c'etait
que ce sacrifice servit au moins a calmer une jalousie qui la
desesperait.
Les suivantes roulaient sur cette jalousie, mais dans une forme vague
qui ne reveillait rien de nouveau: Gaston etait jaloux du jeune Anglais
Arthur Burn qui avait habite chez les soeurs Dufourcq et Leontine
s'appliquait a detruire cette jalousie. Elle n'avait jamais vu dans
Arthur Burn qu'un pensionnaire comme les autres, et le seul sentiment
qu'il lui eut inspire, c'etait la pitie. Comment n'eut-elle pas eu de
compassion pour un pauvre garcon condamne a mort qui passait ses
journees dans la souffrance? Mais, d'autre part, comment eut-elle
eprouve de l'amo
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