t sa naissance?
--Est-ce que tu t'imaginais qu'un prince me demanderait en mariage?
--Je ne parle pas des titres, mais de la famille.
Barincq, qui jusque-la avait laisse sa fille mener l'entretien, assure a
l'avance qu'elle le ferait avec plus d'autorite que lui, voulut
l'appuyer:
--Et si le capitaine est le fils de Gaston, dit-il, cette paternite
n'est-elle pas la meilleure pour nous?
--Cette paternite ne peut faire de lui qu'un batard, et ne lui donne
pas de famille.
--Eh bien, tant mieux, repliqua Anie vivement, s'il n'a pas de famille
il n'en sera que mieux a nous; je n'aurai pas a lutter contre un
beau-pere, une belle-mere, des parents plus ou moins hostiles. Nous
serons tout pour lui; tu seras sa mere. N'est-ce rien cela?
Longuement madame Barincq sans repondre regarda sa fille d'un air dans
lequel il y avait autant d'indignation que de chagrin, puis, se tournant
vers son mari:
--Qu'as-tu dit? demanda-t-elle.
--Que je devais vous soumettre cette proposition a l'une et a l'autre.
--Dieu soit loue, nous avons du temps a nous.
Mais elle se trompait, Anie ne lui laissa pas ce temps sur lequel elle
comptait pour organiser la defense et trouver, elle qui n'etait pas
femme de premier jet, des arguments de refus auxquels il n'y aurait rien
a repondre. Chose extraordinaire, ce ne fut pas la fille qui resta court
devant la mere, soumise par la force de la persuasion, ce fut la mere
qui se laissa convaincre par la fille et eut la stupefaction de voir
qu'elle avait dit "oui" quand elle voulait dire "non".
Cette stupefaction ne fut pas moins vive chez elle lorsque, le mariage
ayant ete decide et le jour fixe, il fut question de la redaction du
contrat: son mari ne voulait-il pas faire plus pour Sixte qu'il n'avait
promis au baron?
--Veux-tu donc nous depouiller? s'ecria-t-elle.
--Pourquoi pas?
--Au profit d'un homme qui n'a rien!
--C'est parce qu'il n'a rien que nous devons compenser ce qui lui
manque.
--C'est de la folie.
--Ce que nous nous retirons, c'est a notre fille que nous le donnons.
--Non, ce n'est pas a notre fille, c'est a notre gendre, et il semble
que ce soit a lui que tu penses plus qu'a elle. Que t'a-t-il fait?
Qu'est-il pour toi? C'est a n'y rien comprendre.
Et, comme il etait dispose a faire deux parts egales de sa fortune,
l'une pour Sixte, l'autre pour lui-meme, ce qui, selon sa conscience,
n'etait que juste, il dut, devant la resistance de sa femme, se moderer
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