n que ce jour-la les parents sont encombrants,
aussi mon intention est-elle que ma bonne femme et moi nous nous en
allions a Biarritz, ou vous viendrez nous rejoindre le lendemain ou le
surlendemain, enfin quand il vous plaira. Par ce moyen, vous aurez la
pleine liberte du tete-a-tete dans cette maison, qui a ete celle de
votre grand-pere et de vos aieux: la chaine ne sera pas interrompue,
et, plus tard, vos enfants feront comme vous, puisque le chateau ne
sortira jamais de la famille.
Pendant ces six semaines Sixte vint tous les jours au chateau, faisant a
cheval les trente kilometres qui separent Bayonne de Ourteau, les heures
des trains ne lui permettant pas d'user du chemin de fer. A quatre
heures moins cinq, son ordonnance lui amenait son cheval; a quatre
heures il l'enfourchait, et, entre six heures quinze et six heures
vingt, il arrivait devant la grille du chateau, ou il trouvait Anie qui
l'attendait. Le concierge prenait le cheval pour le conduire a l'ecurie,
ou il se reposait jusqu'au lendemain, un autre devant servir pour le
retour a Bayonne; et, par l'allee qui longe le Gave, les deux fiances, a
pas lents, s'entretenant, se regardant, gagnaient la maison. Une humide
fraicheur se degageait de l'eau bouillonnante; la lumiere rasante du
soleil abaisse glissait sous le couvert des saules cendres et
s'allongeait en nappes d'or dans le fouillis des hautes herbes. Et
chaque soir, avec le jour decroissant, le spectacle changeait: les
feuilles prenaient insensiblement leurs teintes roses ou jaunes de
l'automne, et sur les prairies fumaient des vapeurs blanches d'ou
emergeaient les vaches.
Mais ce n'etait point des charmes du paysage qu'ils s'inquietaient, des
jeux de la lumiere, de la musique des eaux, de la poesie du soir: ils
s'entretenaient simplement d'eux, a mi-voix, de leur bonheur present, de
leur bonheur a venir. Si parfois Sixte venait a parler de ce qui se
deroulait devant leurs yeux, c'etait pour louer le talent avec lequel
elle avait rendu dans ses etudes, poursuivies continuellement depuis six
mois, les aspects vaporeux et tendres de ce Gave et de ses rives. Et
quand elle s'en defendait en disant qu'il etait trop partial, et qu'elle
ne meritait pas ces eloges, il les precisait: s'il etait vrai qu'elle
fut encore une ecoliere en arrivant a Ourteau, au moins en cela qu'elle
subissait l'influence de ses maitres, cette nature qu'elle traduisait si
bien et interpretait si merveilleusement, parce qu'il exis
|