e le prendrai pas.
Et, le laissant seul, d'Arjuzanx retourna dans le salon.
Sixte remit les liasses dans sa poche et rejoignit d'Arjuzanx; la
discussion ne pouvait pas se continuer dans ces termes, il lui enverrait
les quarante mille francs par un cheque.
Pendant leur entretien d'autres convives du diner de la semaine
precedente etaient arrives, entre autres de la Vigne, la partie
continuait.
Pendant un certain temps Sixte resta debout aupres de la table regardant
le jeu machinalement, ayant en face de lui d'Arjuzanx debout aussi;
puis il fit un pas en arriere pour s'en aller discretement mais a
l'instant meme d'Arjuzanx, qui avait vu son mouvement, l'interpella:
--Fais-tu vingt-cinq louis contre moi? dit-il.
Sixte eut une seconde d'hesitation: une nouvelle partie commencait, les
adversaires allaient relever les cartes donnees; Sixte crut sentir que
tous les regards ramasses sur lui l'interrogeaient.
--Pourquoi non? dit-il.
Au fait, pourquoi n'accepterait-il pas la revanche que d'Arjuzanx lui
offrait? Cinq cents francs, s'il les perdait, n'etaient pas pour le
gener et s'il les gagnait, ce serait un commencement de remboursement;
quelques coups heureux abregeraient d'autant les mois de privation qu'il
allait imposer a sa femme.
Il perdit.
--Quitte ou double, n'est-ce pas? dit d'Arjuzanx.
--Soit.
Il perdit encore.
Si cinq cents francs n'avaient pas grande importance pour lui, il n'en
etait pas de meme de mille; il fallait donc tacher de les regagner.
--Nous continuons? dit-il.
--Avec plaisir, continua d'Arjuzanx.
--Sixte va s'emballer, dit de la Vigne a son voisin.
--C'est fait.
En effet, il n'etait pas difficile de remarquer, pour qui connaissait
les joueurs, les changements caracteristiques qui de seconde en seconde
se produisaient en lui: tout d'abord, quand d'Arjuzanx l'avait
interpelle, il avait rougi comme sous une impression de fausse honte,
puis instantanement pali en repondant: "Pourquoi non?"; maintenant cette
paleur s'etait accentuee, ses levres fremissaient et ses mains etaient
agitees d'un leger tremblement; penche sur la table de jeu, il semblait
qu'il prit avec ses yeux les cartes dans les mains de celui qui les
tenait et les abattit lui-meme, exactement comme au cochonnet le joueur
accompagne de la tete, des epaules et des bras, par un mouvement
symbolique, la boule qui roule.
Les cartes n'obeirent point a cette suggestion magnetique; pour la
troisieme fois elle
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