onc joueur, monsieur?
--On n'est pas joueur parce que par hasard on perd une somme au jeu,
continua Anie.
Sans repondre a sa fille, madame Barincq se leva et, s'adressant a son
mari:
--Ainsi, dit-elle, vous avez marie ma fille a un joueur!
--Mais, chere amie...
--Je ne vous fais pas de reproches, vous etes assez malheureux de votre
faute, pauvre pere, mais enfin vous l'avez sacrifiee.
Puis tout de suite, se retournant vers son gendre:
--Comment n'avez-vous pas eu la loyaute de nous prevenir que vous etiez
joueur?
--Mais, maman, interrompit Anie, Valentin n'est pas joueur; il y a dix
ans qu'il n'avait touche aux cartes.
--Eh bien! quand il y touche, ca nous coute cher!
Barincq crut que ce mot lui permettait d'arreter la scene qui, pour lui,
etait d'autant plus injuste que tout bas il se disait que Sixte avait
bien le droit de perdre ce qui lui appartenait.
--Donc il n'y a qu'a payer, conclut-il.
Mais sa femme ne se laissa pas couper la parole:
--Je ne fais pas de reproches a M. Sixte, reprit-elle, seulement je
repete que quand on entre dans une famille, on doit avouer ses vices...
--Mais Valentin n'a pas de vices, maman.
--C'est peut-etre une vertu de jouer. Je dis encore que quand un homme a
le bonheur inespere... pour bien des raisons, d'etre distingue par une
jeune fille accomplie, et d'entrer dans une famille... une famille
accomplie aussi, il doit se trouver assez honore et assez heureux pour
ne pas chercher des distractions ailleurs...
Pendant que madame Barincq parlait avec une vehemence desordonnee, Anie
regardait son mari qui, immobile, calme en apparence, mais tres pale, ne
bronchait pas; elle coupa la parole a sa mere:
--Allons-nous-en, dit-elle a son mari.
Mais son pere la prenant par la main la retint:
--Ni les paroles de ta mere, dit-il, ni ton depart n'ont de raison
d'etre. Dans la situation presente, il n'y a qu'une chose a faire:
payer. C'est a quoi nous devons nous occuper.
--Ou est l'argent? demanda madame Barincq.
--Je ne l'ai pas; mais je le trouverai. Sixte, mon cher enfant,
accompagnez-moi chez Rebenacq. Et toi, Anie, reste avec ta mere, a qui
tu feras entendre raison.
--J'ai besoin de te parler, s'ecria madame Barincq en faisant signe a
son mari de la suivre.
--Et tu n'as rien dit du testament! s'ecria Anie en se jetant dans les
bras de son mari quand son pere et sa mere furent sortis. Ah! cher,
cher!
--C'est lui justement qui m'a si bien fer
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