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preparee, a la veilleuse de l'escalier.
Arrive a la porte de leur chambre, il ecouta et n'entendit rien:
assurement Anie s'etait endormie. Alors, au lieu d'entrer dans la
chambre, il tourna avec precaution le bouton de la porte de son cabinet
de travail, qu'il referma sans bruit.
Une glace sans tain s'ouvrait au-dessus de la cheminee dans le mur qui
separait la chambre du cabinet, masquee par un store a l'italienne a ce
moment a demi baisse; dans la chambre deux lampes et une statuette
garnissaient la tablette de cette cheminee; dans le cabinet c'etait un
vase avec une fougere et deux flambeaux.
D'une main ecartant les frondes de la fougere, et de l'autre approchant
son bougeoir de la glace, Sixte regarda dans la chambre. Tout d'abord
ses yeux se porterent dans l'obscurite. Mais, s'etant fait un abat-jour
avec sa main de facon a projeter la lumiere en avant, il apercut dans le
lit lui faisant face la tete de sa femme se detachant sur la blancheur
du linge.
Puisqu'elle ne bougeait pas, puisqu'elle ne l'appelait pas, c'est
qu'elle dormait: cela lui fut un soulagement; il avait du temps devant
lui.
Dans ses deux heures de chemin, il n'avait pas uniquement pense a Anie,
il avait encore arrete son plan, dont ce sommeil facilitait l'execution:
ce n'etait pas seulement l'embrasser, qu'il voulait, c'etait aussi
qu'elle eut sa derniere pensee: il s'assit a son bureau place devant la
cheminee et se mit a ecrire:
"Tes pressentiments ne te trompaient pas: devenu notre ennemi
implacable, le tien, le mien, il a voulu se venger de toi, de moi;
aveugle, entraine, j'ai joue et j'ai perdu deux cent soixante-seize
mille francs, en plus de ce que j'avais deja perdu. En revenant,
j'ai reflechi; j'ai vu la situation comme on voit dans la solitude
et dans la nuit, d'une maniere lucide, sans mensonge; et de cette
froide vision est resultee la decision qui fait l'objet de cette
lettre--un adieu. Un adieu, ma belle et chere Anie. Oh! si chere, si
aimee! plus que dans le bonheur encore, et que je vais quitter pour
mourir. Mais ce n'est pas mourir qui m'effraie; c'est briser notre
vie amoureuse; c'est ne plus voir Anie; c'est aussi lui laisser le
doute d'avoir ete aimee comme elle le pensait. Comprendra-t-elle que
je veux disparaitre, parce que je l'aime plus que moi-meme, et que
je prefere--cherchant le meilleur pour elle--la savoir veuve,
tragique, plutot que femme amoin
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