a son mari ainsi qu'a leurs invites
un visage calme pour qu'elle put imposer silence a son emotion. Mais
l'impression qu'elle avait a ce moment recue ne s'etait point effacee,
et si, lorsqu'elle avait son mari pres d'elle, elle oubliait le baron,
lorsqu'elle restait seule, elle le revoyait la face pale, les yeux
ardents, les levres fremissantes, lui disant: "Je n'aimerai jamais que
vous." Pourquoi avait-il prononce ces paroles? Dans quel but? Parce
qu'elles echappaient a sa douleur? Ou bien avec une intention? Elle
aurait eu besoin de s'ouvrir a son mari, mais elle n'osait de peur de le
tourmenter et aussi parce que tout ce qui se rapportait au baron, sa
pensee, son nom, la genait elle-meme. Quand, apres un certain temps,
elle avait vu qu'il ne s'etait point presente chez elle, comme elle le
craignait, elle s'etait rassuree; sans doute il avait parle sous le coup
d'un violent chagrin, involontairement inconscient, et elle s'etait
apitoyee sur lui: le pauvre garcon!
A la verite cette compassion n'avait pas ete bien loin, cependant il s'y
etait mele une certaine sympathie; parce qu'il l'avait aimee, parce
qu'il l'aimait encore, elle ne pouvait pas lui en vouloir, alors surtout
que cet amour n'avait pas empeche qu'elle epousat Sixte. Mais, peu de
temps apres, Sixte, qui lui rapportait ce qu'il faisait dans sa journee,
lui raconta qu'il avait recu la visite du baron a son bureau; et, comme
elle s'en montrait surprise, il trouva que cette visite s'expliquait
tout naturellement par l'intention de bien marquer qu'il ne lui gardait
pas rancune de son echec: sa presence au mariage etait deja
significative; cette visite l'etait plus encore. Comment repondre a
cela, a moins de tout dire? Un moment elle avait hesite, puis decidement
elle avait garde le silence. Apres tout Sixte avait peut-etre raison, et
dans ce cas il ne fallait considerer les paroles prononcees le jour du
mariage que comme le cri d'une douleur trop vive pour se contenir.
Cependant, quoi qu'elle se dit dans ce sens, elle ne se rassura pas
entierement, et quand a peu de temps de la Sixte lui parla d'une seconde
visite, puis d'une troisieme, elle se demanda si quelque menace ne se
cachait pas sous cette intimite cherchee. A la verite il ne venait pas
chez elle; mais que ferait-elle le jour ou il se presenterait? Cette
question qu'elle se posait quelquefois l'inquietait vaguement: elle
voulait le repos pour elle et plus encore pour son mari; or, ce ne
serait pas le
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