le respect envers celui auquel il s'adressait.
Les laissant de cote il prit la liasse des comptes qui, par les chiffres
seuls des factures, etait plus curieuse.
--C'etait cela qu'on avait depense pour lui; cela qu'il avait coute.
Comme il les parcourait les unes apres les autres, ses yeux tomberent
sur une feuille de papier timbre, de l'ecriture de M. de
Saint-Christeau.
Qu'etait cela?
Il lut.
Mais c'etait le testament de M. de Saint-Christeau, celui qu'il
connaissait, celui que l'inventaire devait faire trouver, et qui avait
echappe surement aux recherches du notaire, parce qu'on n'avait pas pris
ces factures les unes apres les autres, pour les classer, et qu'il
s'etait glisse entre deux papiers insignifiants.
Avant qu'il fut revenu de sa surprise, sa femme rentra, et, comme a
l'ordinaire, vint vivement a lui pour l'embrasser.
--Tiens, dit-elle, tu te decides a lire ces papiers?
Mais elle n'avait pas acheve sa question, qu'elle s'arreta stupefaite de
la physionomie qu'elle avait devant elle.
--Qu'as-tu? Mon Dieu, qu'as-tu? demanda-t-elle
--Voila ce que je viens de trouver, lis.
Il lui tendit la feuille.
--Mais c'est le testament de mon oncle Gaston! s'ecria-t-elle, des les
premieres lignes.
--Lis, lis.
Elle alla jusqu'au bout; alors le regardant:
--Que vas-tu faire? demanda-t-elle d'une voix qui tremblait.
--Mais que veux-tu que je fasse? repondit-il. Imagines-tu que je vais
m'armer de ce testament pour troubler ton pere, si heureux d'etre le
proprietaire d'Ourteau? Pour qui travaille-t-il? Pour nous. A qui
donne-t-il ses revenus? A nous. Non, non, ce testament, que je ne suis
pas fache d'avoir d'ailleurs, par un sentiment de reconnaissance envers
M. de Saint-Christeau, ne sortira jamais de ce tiroir, dans lequel je
vais l'enfermer, et ton pere ignorera toujours qu'il existe.
Elle lui jeta les bras autour du cou, et l'embrassa nerveusement, avec
un flot de larmes.
--Mais que pensais-tu donc de moi? dit-il.
--C'est de fierte que je pleure.
IV
De temps en temps, Sixte parlait de d'Arjuzanx a sa femme: ou bien, il
avait recu sa visite, ou bien ils s'etaient rencontres par hasard; en
tout cas, au grand ennui d'Anie, les relations continuaient entre eux,
et rien n'annoncait qu'elles dussent finir.
Un jour, il lui annonca d'un air assez embarrasse que d'Arjuzanx, qui
venait de louer une villa a Biarritz, l'avait invite a pendre la
cremaillere avec quelques amis:
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