refus qui serait venu de lui; mais precisement
cette liberte elle ne l'avait pas, et le nom seul d'un des convives de
d'Arjuzanx le lui avait rappele de facon a fermer ses levres.
Au temps ou Sixte lui faisait la cour et pendant leurs tete-a-tete dans
les jardins d'Ourteau, elle avait voulu qu'il lui dit ce qu'etait le
monde nouveau au milieu duquel elle allait vivre a Bayonne dans une
sorte de camaraderie obligatoire; quels etaient ses moeurs, ses usages,
ses habitudes, ses travers, ses faiblesses, ses ridicules, ses qualites,
ses merites; et de ces longs recits il etait sorti pour elle un
enseignement qu'elle s'etait bien promis de ne pas oublier.
Parmi les officiers de la garnison, il y en avait un, le lieutenant de
la Vigne, qui avait epouse une jeune fille de la ville dont le pere
avait fait une grosse fortune dans le commerce et la raffinerie des
petroles. Elevee dans le couvent le plus aristocratique de Bordeaux,
cette fille avait contracte la folie des vanites mondaines, a laquelle
d'ailleurs sa nature la predestinait, et, rentree a Bayonne dans sa
famille honnetement bourgeoise, elle n'eut jamais consenti a accepter
pour mari un homme dans les affaires et en relations commerciales avec
son pere ou les amis de son pere. C'est pourquoi, lorsqu'elle avait
herite de la fortune de sa mere, elle s'etait offert un joli petit
lieutenant, qui a une profession decorative et honorable ajoutait le
prestige d'un nom ou plutot d'une apparence de nom: Ruchot de la Vigne.
Le nom il l'avait recu de son pere, tout petit proprietaire campagnard;
l'apparence il la tenait des bons Peres qui l'avaient eleve.--Comment!
Ruchot? lui avaient-ils dit lorsqu'il etait entre chez eux; Ruchot tout
court! il faut ajouter quelque chose a cela. Votre pere a bien une
propriete?--Il a une vigne.--C'est parfait; vous vous appellerez
desormais Ruchot de la Vigne, comme vous avez des camarades qui
s'appellent Mouton du Pre, Jeannot du Gue, Petit de la Mare; ca fait
bien sur le palmares, et plus tard ca sert dans la vie pour un beau
mariage.
En effet, cela lui avait servi a epouser la fille du raffineur de
petrole, qui n'aurait jamais consenti a etre madame Ruchot tout court,
et qui etait fiere de s'entendre annoncer sous le nom de madame de la
Vigne. Il est vrai qu'a la mairie on lui avait impitoyablement coupe le
de la Vigne, mais on le lui avait genereusement donne a l'eglise; et
l'eglise etait pleine, tandis qu'a la mairie il n'y avait pers
|