Quand Barincq revint de reconduire Sixte et le notaire, il trouva sa
femme qui l'attendait, anxieuse:
--Que voulaient Rebenacq et le capitaine? demanda-t-elle avec une
vivacite febrile.
Bien qu'il s'attendit a etre interroge et se fut prepare, il ne repondit
pas tout de suite.
--C'est pour un nouveau testament? dit-elle.
--Oh! pas du tout.
--Eh bien alors?
--Tu vas etre surprise... et, je le pense, satisfaite aussi.
--Surprise, je le suis, satisfaite, de quoi?
A ce moment Anie vint les rejoindre, pressentant que son pere devait
avoir besoin d'elle.
--Voila justement Anie, dit-il en respirant, et je suis aise qu'elle
arrive, car ce que j'ai a vous apprendre la touche autant que nous, et
meme plus que nous encore... si vive que soit notre tendresse pour elle.
Voyant son pere entasser les paroles sans oser se decider, elle se
decida a brusquer la situation:
--M. Sixte est venu te demander ma main? dit-elle.
--Anie! s'ecria sa mere suffoquee.
--Precisement.
--Est-ce possible! s'ecria madame Barincq.
Apres avoir engage l'action avec cette vigueur, Anie voulut se jeter
elle-meme dans la melee:
--S'il ne m'avait pas crue engagee avec M. d'Arjuzanx, il y a longtemps
qu'il l'aurait fait.
--Il te l'a dit? demanda madame Barincq fremissante.
--Il ne le pouvait pas puisqu'il est l'ami de M. d'Arjuzanx.
--Alors?
--Est-il besoin de paroles pour s'entendre?
--Vous vous etes entendus?
--Tu le vois, maman.
A ces mots madame Barincq se laissa tomber sur un fauteuil:
--Malheureux que nous sommes! murmura-t-elle.
Anie vint a elle et lui posant la main sur le bras tendrement:
--Pourquoi malheureux? dit-elle d'une voix douce et caressante. Qui est
malheureux? Est-ce moi? Je n'ai jamais eprouve joie plus profonde,
bonheur plus complet. Est-ce mon pere? Je ne vois pas que ses yeux
expriment le mecontentement ou le chagrin. Est-ce toi?
--Oui, moi, qui me demande si je reve ou si je suis folle.
--Et que peux-tu desirer chez un gendre que tu ne trouves chez M. Sixte?
Beau garcon, ne l'est-il pas? et avec cela distingue, l'air bon, d'une
bonte sans faiblesse. Intelligent, ne l'est-il pas aussi? Non seulement
pour tout ce qui touche a son metier, sa carriere le prouve, mais d'une
intelligence etendue qui ne se specialise pas sur un seul point: ce
n'est pas un officier qui n'a que du vernis, comme on dit dans le monde
militaire, c'est un esprit qui comprend, qui sait, qui sent.
--E
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