texte de la lettre a ecrire au baron; ce qu'il fallait, c'etait eviter
de presenter des explications difficiles, et se contenter de dire avec
politesse que, leur fille n'etant pas decidee a se marier encore, il
convenait d'interrompre des entrevues qui pouvaient avoir des
inconvenients.
Anie et son pere se regarderent, se demandant s'ils devaient profiter de
cette ouverture, mais ni l'un ni l'autre n'osa commencer; c'etait un si
heureux resultat d'avoir obtenu l'abandon du baron qu'ils jugerent plus
sage de s'en tenir la; plus tard on agirait pour faire accepter le
capitaine; a la verite tous deux sentaient qu'il eut mieux valu donner
un autre motif de rupture que celui que madame Barincq proposait, et ne
pas l'appuyer sur la volonte d'Anie de ne pas se marier encore; mais
cela n'etait possible qu'en entrant dans des explications devant
lesquelles le pere et la fille reculerent.
Quand la lettre fut ecrite, madame Barincq la relut deux fois, puis,
avant de l'enfermer dans son enveloppe, elle la balanca plusieurs fois
entre ses doigts:
--Tu veux qu'elle parte? dit-elle en regardant sa fille.
--Mais certainement.
--Que ta volonte s'accomplisse, et fasse le ciel que ce soit pour ton
bonheur! Qui sait si celui qui remplacera M. d'Arjuzanx le vaudra!
Mais cette parole n'emut ni la fille ni le pere; ils savaient, eux,
combien celui qui devait remplacer le baron valait mieux que celui-ci.
Le lendemain matin, a l'ouverture de l'etude, Barincq entrait dans le
cabinet de Rebenacq. Quand le notaire entendit parler de rupture avec le
baron, il ne montra aucune surprise.
--Dois-je t'avouer que je m'y attendais? dit-il.
--Et pourquoi t'y attendais-tu?
--Parce que M. d'Arjuzanx n'est pas du tout le mari qui convient a ta
fille.
--Et tu ne me l'as pas dit?
--Tu devais t'en apercevoir tout seul; cela valait mieux.
--M'apercevoir de quoi?
--De ce que tout le monde disait.
--Mais que disait tout le monde? Vingt fois j'ai voulu aller au fond de
certaines paroles enigmatiques ou de silences etranges, on ne m'a jamais
repondu. Maintenant que ce mariage est rompu, ne parleras-tu pas
franchement?
--On s'etonnait que tu consentisses a donner une jolie fille comme
mademoiselle Anie, discrete, delicate de sentiments, distinguee
d'esprit, a un homme comme le baron, qui n'est pas precisement doue de
qualites semblables.
--Que lui reproche-t-on?
--Un homme qui va en velocipede a Paris, qui parait en maillot
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