ui s'accrochait a lui, elle, de son cote,
etait libre, libre de rever, et meme d'arranger des cette heure sa
destinee. Etait-ce dans sa position de pauvre diable, avec une naissance
qui etait une tare, sans famille, sans relations, sans appuis dans le
monde, qu'il pouvait avoir l'esperance de lutter contre un rival comme
d'Arjuzanx! Ce serait plus que de la folie, de la betise! Pas pour les
officiers de son espece, les belles filles riches! Qu'aurait-il a lui
offrir? La vie lui avait ete assez cruelle pour lui apprendre ce qu'il
pouvait, c'est-a-dire moins que rien. Il n'avait donc qu'a s'effacer, a
laisser le premier role a d'Arjuzanx et a prendre celui de confident, ce
qu'il avait fait. Ainsi, il avait vu grandir l'amour de son rival, et en
avait suivi le developpement, les enthousiasmes comme les inquietudes et
les craintes, se tenant a son plan, affectueux avec Anie, mais rien de
plus, et meme lorsqu'il s'observait, reserve.
Mais pourquoi Anie, qui n'etait pas retenue par les meme raisons,
n'aurait-elle pas ecoute les seules impulsions de son coeur? Sa fortune
la laissait maitresse de faire ce qu'elle voulait, d'aimer qui lui
plaisait, et la douce autorite qu'elle exercait sur son pere et sa mere
l'assurait a l'avance qu'elle ne serait jamais violentee dans son choix.
Quand ces hypotheses s'etaient parfois presentees a son esprit, apres
quelques heures passees avec Anie, il les avait toujours repoussees, se
fachant contre lui-meme de ce qu'il appelait son infatuation; mais,
maintenant, elles n'etaient plus reveries en l'air, et reposaient sur
deux faits materiels: la rupture avec d'Arjuzanx et la demarche du
notaire. Sans doute, Rebenacq etait sincere en disant qu'il n'avait pas
recu les confidences de la jeune fille, et que celle-ci ignorait sa
demarche; mais il n'en etait pas moins certain que cette demarche se
faisait avec l'autorisation du pere, qui vraisemblablement, ne l'aurait
pas permise s'il n'avait su qu'il ne serait pas desavoue par sa fille.
Et la sympathie, l'estime du pere, c'etait un fait aussi. De meme, il y
en avait encore un autre qui n'etait pas de moindre importance: le desir
de continuer le frere aine en executant, dans une certaine mesure, les
intentions de celui-ci.
Et, par sa chambre, il tournait a pas precipites, s'arretant tout a
coup, reprenant aussitot sa marche, repetant machinalement a mi-voix des
mots entrecoupes:
--Se marier... cette belle fille... se marier... se marier.
C'
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