u'elle souhaite si ardemment, toi, de
ton cote, amene-la a accepter celui que tu desires.
--Et toi, ne le desires-tu pas aussi?
Elle vint a son pere, les yeux baisses, marchant avec componction.
--Une fille soumise n'a d'autre volonte que celle de son papa.
XII
Pendant que Barincq preparait le brouillon de sa lettre au baron, Anie
annoncait a sa mere que, decidement, et apres un serieux examen de
conscience, elle ne pouvait pas se resigner a accepter M. d'Arjuzanx
pour mari.
Aux premiers mots ce fut de l'etonnement chez madame Barincq, puis de la
stupefaction, puis de la colere et de l'indignation qui s'exaspererent
en une crise de larmes.
Elle etait la plus malheureuse des femmes; rien de ce qu'elle desirait
ne comptait.
Ne sachant a qui s'en prendre, elle tourna sa colere contre son mari.
--C'est ton pere avec ses sottes histoires, ses propos vagues, ses
inquietudes sans causes, qui a change tes sentiments pour M. d'Arjuzanx.
Anie defendit son pere en repondant que precisement ses sentiments
n'avaient pas change: tels ils etaient le jour ou on lui avait parle de
ce mariage, tels ils etaient encore. M. d'Arjuzanx lui etait
indifferent, et elle n'accepterait jamais de devenir la femme d'un homme
qu'elle n'aimerait pas; elle n'aimait pas M. d'Arjuzanx, elle ne
l'aimerait jamais, elle avait interroge son coeur, non pas une fois,
mais vingt, mais cent, la reponse avait toujours ete la meme; et,
puisque ce mariage ne se ferait pas, il convenait de rompre des
relations qui n'avaient que trop dure et qui, en se prolongeant,
deviendraient compromettantes. Pour ne pas vouloir du baron, elle ne
renoncait pas au mariage: il ne fallait donc pas que plus tard on
cherchat a savoir ce qui s'etait passe entre M. d'Arjuzanx et elle, et
pourquoi ils ne s'etaient pas maries.
De tous les arguments qu'employa Anie, celui-la fut celui qui porta le
plus juste et le plus fort; pendant trop longtemps madame Barincq avait
vecu dans l'avenir pour que les securites du present lui eussent fait
perdre l'habitude de l'escompter: pour rompre avec le baron, Anie ne
rompait pas avec le mariage, et il etait tres possible, il etait meme
probable, il etait vraisemblable qu'elle en ferait un beaucoup plus beau
que celui auquel elle renoncait: pourquoi le baron ne serait-il pas
remplace par un prince, le gentillatre par un homme dans une grande
situation?
Alors elle se calma, et si bien, qu'elle voulut donner elle-meme le
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