reticences qu'on emploie a son egard?
--Reticences... c'est beaucoup.
--Le mot ne fait rien a la chose; pourquoi ces etonnements polis quand
il est question du baron? Pourquoi ces silences quand on voit que nous
serions disposes a l'accepter pour gendre au cas ou Anie l'agreerait?
--L'envie.
--C'est possible; ce n'est pas certain.
--Alors, quoi?
--C'est ce que je cherche. Voila pourquoi je ne voudrais pas te voir
considerer comme fait un mariage qui, en realite, peut ne pas se faire.
--Tu ne voudrais pas le rompre pour si peu.
--Non, certes; mais j'envisage sa rupture comme possible si...
--Si....
--Si je trouve ce que je cherche. Et cela, tu en conviendras, me donne
bien le droit d'etre preoccupe.
--Enfin, que cherches-tu?
--A voir clair dans ce qui est obscur; a faire preciser ce qui est vague
et insaisissable.
--Le baron est un galant homme.
--Je le crois.
--Un honnete homme.
--J'en suis sur.
--Alors?
--Galant homme, honnete homme, on peut etre mauvais mari: la
responsabilite d'un pere qui marie sa fille est trop lourde pour qu'il
laisse rien au hasard.
--Tu t'inquietes a tort.
--Qu'en sais-tu? Je pourrais te dire que de ton cote tu t'obstines a
tort aussi dans ton parti-pris de ne voir que ce que tu desires: si ce
mariage peut se faire, il peut ne pas se faire.
--Il se fera.
--Tu ne peux pas le souhaiter plus vivement que moi.
--Ce serait folie de prendre au serieux des propos en l'air; il n'y a
rien, il ne peut y avoir rien contre le baron, et ce que tu crois de la
suspicion est simplement de l'envie: envie chez ses amis parce qu'Anie
lui apporte une belle fortune; envie chez nos amis, a nous, parce qu'il
apporte a Anie un beau nom.
Il s'attendait a cette resistance et n'alla pas plus loin; maintenant
que l'ouverture etait faite, il pourrait revenir sur cette rupture, et
amener peu a peu l'esprit de sa femme a en admettre la possibilite, afin
que le jour ou elle se produirait elle ne fut pas un coup de foudre.
Avec Anie il proceda de la meme facon, mais l'accueil qu'elle fit a ses
paroles entortillees ne ressembla en rien a celui de sa mere:
--S'il y a dans ce mariage quelque chose qui t'inquiete, lui dit-elle,
le mieux est d'y renoncer tout de suite.
--Tu n'en souffrirais pas, ma cherie?
--Pas du tout, je t'assure; quand tu m'as fait part de la demande de M.
d'Arjuzanx, je t'ai repondu que je n'en etais ni charmee ni fachee; j'en
suis toujours au m
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