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malgre son manque de fortune, tu l'acceptes comme mari?
--Justement parce que, grace a l'heritage de mon oncle, la fortune ne
compte pas pour moi, j'aurais aime a choisir mon mari en dehors de
toute preoccupation d'argent; ne pas le refuser parce qu'il aurait ete
pauvre, ne pas l'accepter parce qu'il aurait ete riche.
--Et la naissance?
--Ca, c'est une autre affaire: il est certain que dans le monde le baron
d'Arjuzanx, dont les ancetres occupaient des charges aupres du roi
Henri, fait une autre figure que le capitaine Valentin Sixte.
--Tu l'aurais donc refuse pour cette tare?
--Je ne dis pas ca: J'aurais regrette que le capitaine n'eut pas le nom
du baron; mais je regrette encore bien plus a tous les autres points de
vue que le baron ne soit pas le capitaine.
--Ah! ma chere enfant!
--Tu voulais de la franchise.
--Ma chere petite Anie, ma fille, mon enfant bien-aimee, ma cherie.
Il l'avait prise dans ses bras et il l'embrassait.
--Le capitaine m'a demandee? dit-elle.
--Non.
--Ah!
--Mais cela ne fait rien.
--Cela fait tout au contraire. Comment peux-tu me poser de pareilles
questions! Je ne t'ai repondu que parce que je croyais a cette demande.
Elle se degagea des bras de son pere et alla a la fenetre pour cacher sa
confusion.
Doucement il vint a elle, et, lui mettant la main sur l'epaule avec
tendresse:
--Ne me suppose pas des intentions qui sont loin de ma pensee, dit-il;
rien, je t'assure, ne peut m'etre plus doux que ce que tu viens de
m'apprendre, rien, rien.
En effet; plus d'une fois il avait vaguement entrevu un mariage entre
Anie et Sixte comme la fin des angoisses au milieu desquelles il se
debattait desesperement. Tout, de cette facon, etait tranche pour le
mieux: Anie ne perdait pas la fortune de son oncle, et, de son cote,
Sixte heritait de son pere; ainsi se conciliaient les droits de chacun;
pas de luttes, pas de sacrifices ni d'un cote ni de l'autre; plus de
doutes sur la validite du testament, pas plus que sur la filiation du
capitaine: ce n'etait ni comme fils, ni comme legataire qu'il jouissait
de la fortune de Gaston, mais comme mari d'Anie; et, de son cote, ce
n'etait pas en qualite de niece qu'elle gardait cette jouissance, mais
comme femme du capitaine.
S'il ne s'etait pas arrete a cette idee lorsqu'elle avait traverse son
esprit, s'il n'avait meme pas voulu l'examiner lorsqu'elle lui revenait
malgre ses efforts pour la chasser, c'est qu'il la conside
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