le voulais pour gendre il y a un mois, et pourquoi tu ne le veux plus
aujourd'hui.
Il resta un moment assez embarrasse.
--N'etait-il pas alors ce qu'il est encore? et du cote du capitaine
as-tu appris des choses qui te le montrent sous un jour plus favorable?
Il avait eu le temps de se remettre:
--J'ai a plusieurs reprises entendu parler de M. d'Arjuzanx d'une facon
qui ne m'a pas plu.
--Que disait-on?
--Rien de precis; mais c'est justement le vague de ces propos qui fait
mon inquietude. Quant au capitaine, j'ai au contraire appris a le
connaitre sous un jour qui a singulierement augmente ma sympathie pour
lui et l'a transformee en une estime serieuse.
--Comment cela? demanda-t-elle avec une vivacite caracteristique.
--En lisant ses lettres a Gaston? Cette correspondance, qui commence
quand le jeune garcon entre au college de Pau et se continue sans
interruption jusqu'a ces derniers temps, a ete conservee par ton oncle,
on l'a trouvee a l'inventaire et je viens de la lire. C'est une
confession, ou plutot, car elle ne contient l'aveu d'aucune faute, un
journal qui embrasse toute sa jeunesse. Quels renseignements vaudraient
ceux qu'il donne lui-meme dans ces lettres ou on le suit pas a pas, ou
l'on voit se former l'homme qu'il est devenu, et un homme de coeur, de
caractere, droit, loyal, que la tare d'une naissance malheureuse n'a
point aigri, mais qu'elle a au contraire trempe; enfin, le type du mari
qu'un pere qui connait la vie choisirait entre tous pour sa fille.
Pendant qu'il parlait, elle souriait sans avoir conscience de l'aveu que
son visage epanoui trahissait:
--Alors, ces lettres... dit-elle machinalement pour dire quelque chose
et pour le plaisir de parler de lui.
--Ces lettres sont un panegyrique d'autant plus interessant qu'il est
ecrit au jour le jour. Sais-tu quelles etaient mes pensees en les
lisant?
--Dis.
--Je me demandais comment ton oncle n'avait pas eu le desir de te le
donner pour mari, ce qui conciliait tout: son affection pour ce jeune
homme et ses devoirs envers nous.
--Il n'a pas exprime ce desir.
--Cela est vrai; mais ce qu'il n'a pas fait, pour une raison que nous
ignorons, simplement peut etre parce que la mort l'a surpris, je puis
le faire. Si ton oncle avait des devoirs envers nous, envers moi, envers
toi, je me considere comme en ayant envers le capitaine qui a
certainement des droits a la fortune dont nous heritons... quand ce ne
serait que ceux que donne
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