rait comme un
miserable calcul, et la speculation honteuse d'une conscience aux abois;
n'etait-ce pas vendre sa fille? et de sa vie, de son bonheur, payer leur
repos a tous et la fortune? Mais, du moment que spontanement, et sans
que ce fut un sacrifice pour elle, Anie preferait le capitaine au baron,
la situation se retournait; a marier Anie et le capitaine il n'y avait
plus ni calcul ni speculation, on ne la vendait plus et, en meme temps
qu'on tranchait l'inextricable difficulte du testament, en meme temps
qu'on faisait un juste partage de la succession de Gaston entre ceux
qui, a des titres divers, avaient des droits pour la recueillir, on
assurait le bonheur de ceux qu'on mariait. Quel meilleur mari pouvait-on
souhaiter pour Anie que ce beau garcon intelligent, franc, loyal, que
cet officier distingue devant qui s'ouvrait le plus brillant avenir?
Quelle femme pouvait-il trouver qui fut comparable a Anie? De la son
elan de joie quand il avait entendu Anie venir au-devant du desir qu'il
n'avait meme pas ose former.
--Tu m'as parle franchement, reprit-il, parce que le capitaine te plait,
et aussi parce que tu sais que, de ton cote, tu plais au capitaine.
--Mais je ne sais rien du tout! s'ecria-t-elle en se retournant vers son
pere.
--Tu ne le sais pas, j'en suis certain; il ne te l'a pas dit, je le
crois; mais cela n'empeche pas que tu n'en sois sure; une jeune fille ne
se trompe pas la-dessus; c'est la l'essentiel; le reste est de peu
d'importance.
--Que veux-tu donc?
--Que tu epouses le capitaine, puisqu'il te plait.
--Mais ce ne sont pas les jeunes filles qui epousent, on les epouse.
--Si le baron ne te plait pas, et si au contraire le capitaine te plait,
il y a d'autre part tant d'avantage a ce que ton mariage avec le
capitaine se fasse, que nous devons nous unir pour qu'il reussisse.
--Mais je ne peux pas lui demander de m'epouser.
--Il ne s'agit pas de cela. Ce qu'il faut avant tout, c'est que tu
refuses M. d'Arjuzanx.
--C'est facile et j'y suis toute disposee. Je n'ai accepte ces entrevues
que pour t'obeir. Tu veux maintenant que nous les supprimions, je
t'obeis encore bien plus volontiers. Quoi qu'il arrive, je ne
regretterai point M. d'Arjuzanx. Je n'ai pour lui ni antipathie ni
repulsion; il m'est indifferent, voila tout; et ce n'est vraiment pas
assez pour l'epouser: ami, oui; mari, non. De son cote, ce que tu
desires est donc fait. Seulement, je serais curieuse de savoir pourquoi
tu
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