t'ai dit que je le connaissais.
--Vois si je me suis trompee, et a ce que je te rapporte ajoute ce que
tu sais deja. Effrayee de voir en quelles mains se trouvait madame
Dammauville, j'ai pris tous les chemins detournes que j'ai pu m'ouvrir
et j'ai fini par savoir--sans le lui avoir demande directement--qu'elle
n'avait pas vu d'autre medecin depuis un an: au moment ou la paralysie
s'est declaree, il y a eu une consultation, et depuis elle s'est
contentee du docteur Balzajette; non pas tant par indifference ou
par incredulite, par desesperance ou par apathie, que pour ne pas le
contrarier: "C'est un si brave homme! m'a-t-elle dit; pourquoi lui faire
de la peine? Ma maladie a ete etablie par la consultation: il la soigne
aussi bien que le ferait un autre."
Saniel trouva l'occasion bonne pour revenir sur la maladresse qu'il
avait commise en exprimant franchement son opinion sur le solennel
Balzajette:
--C'est probable, dit-il.
--Est-ce certain? Crois-tu que depuis un an il ne se soit rien presente
dans la maladie de madame Dammauville qui aurait exige un traitement
nouveau, que le solennel Balzajette etait incapable de trouver, a lui
tout seul?
--Il n'est pas si nul que tu supposes.
--C'est toi qui parles de nullite.
--Diagnostiquer une maladie et la traiter sont deux choses; c'est
la consultation dont tu parles qui a etabli la maladie de madame
Dammauville et institue le traitement que Balzajette n'a qu'a appliquer,
et sa capacite, je te l'assure, suffit a cette tache.
Comme elle se montrait peu rassuree, il crut devoir insister; car
c'etait une imprudence de laisser Philis ferue de l'idee que, s'il
soignait madame Dammauville, surement il la guerirait, fallut-il pour
cela un miracle:
--Nous avons un certain temps devant nous, puisque l'ordonnance de
renvoi devant les assises n'est pas encore rendue; d'autre part, madame
Dammauville t'a promis de presser son medecin pour savoir s'il espere la
mettre en etat de quitter son lit bientot; attendons donc.
--Ne vaudrait-il pas mieux agir qu'attendre?
--Au moins, attendons la reponse de Balzajette a la demande de sa
malade; ou elle sera satisfaisante, et alors nous n'aurons rien a faire;
ou elle ne le sera pas, et alors je te promets de voir Balzajette. Je le
connais assez pour pouvoir lui parler de ta cliente, alors surtout
qu'il m'est permis, en faisant intervenir ton frere, de m'interesser
ouvertement a son retablissement.
--Oh! cher, cher, murmura
|