lui-meme.
C'etait a une affection de la moelle qu'etait due la paralysie de madame
Dammauville: par consequent, elle etait parfaitement guerissable; et
meme Balzajette s'etonnait qu'avec son traitement et ses soins cette
guerison se fit attendre:
--Mais que vous dirai-je, jeune confrere; vous savez mieux que moi
qu'avec les femmes tout est possible... surtout l'impossible!
Et, pendant une demi-heure il avait complaisamment raconte les
etonnements que causaient a son savoir et a son experience les femmes
du monde qu'il soignait: certainement il n'entendait pas contester les
lecons que le medecin recoit a l'hopital,--a Dieu ne plut qu'il eut
pareille outrecuidance!--mais combien plus variees, combien plus
completes, combien plus profondes etaient celles que donnait la
clientele mondaine quand on etait assez heureux pour s'en etre cree une.
--Enfin, pour me resumer, que vous dirai-je, jeune confrere?...
Et ce qu'il avait dit et redit, explique et re-explique avec des
digressions enchevetrees les unes dans les autres, c'etait comment
il voulait remettre sa cliente sur pied avant peu. Certainement, il
n'entendait pas contester les travaux recents publies sur l'anatomie
pathologique des lesions medullaires,--a Dieu ne plut qu'il eut une
pareille outrecuidance!--mais l'experience est l'experience, et, sans
forfanterie, il croyait pouvoir compter sur celle que trente annees de
pratique dans sa clientele mondaine lui avaient acquise.
--On ne traite pas une duchesse comme une marchande des quatre saisons,
n'est-ce pas, mon jeune confrere?
Bien qu'en dehors d'un journal boulevardier Balzajette ne lut rien et
n'ouvrit jamais un livre pour se tenir au courant, cependant la jeune
reputation de Saniel etait venue jusqu'a lui,--par ses oreilles,--et
precisement parce qu'elle etait jeune, il tenait a menager ce confrere,
qui semblait appeler a se faire une belle place. Malgre la haute estime
qu'il professait pour ses merites et sa personne, il n'etait pas sans
savoir vaguement que les medecins de sa generation, arrives a de grandes
situations, ne le traitaient pas avec toute la consideration qu'il
s'accordait lui-meme, et, pour donner une lecon a ses anciens camarades,
il etait bien aise de nouer de bonnes relations avec un jeune dans le
mouvement; il parlerait de son jeune confrere Saniel: "Vous savez, celui
qui vient d'etre nomme agrege", et il raconterait les conseils que lui
Balzajette lui avait donnes.
Que madame
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