remise de son trouble de joie, elle
l'interrogea:
--Quand s'etait-il decide a ce mariage?
Il ne voulut pas mentir et repondit que c'etait a l'instant que la
pensee lui en etait venue, assez precise, assez forte pour donner un
corps aux idees qui depuis plusieurs mois flottaient en lui vaguement.
--Au moins as-tu bien reflechi? demanda-t-elle craintivement, n'as-tu
pas cede a un entrainement d'amour?
--Valait-il mieux ceder a un calcul longuement raisonne? Je t'epouse
parce que je t'aime, et aussi parce que je suis certain que, sans toi,
je ne peux pas etre heureux: franchement, je reconnais que j'ai besoin
de toi, de ta tendresse, de ton amour, de ta force de caractere, de ton
egalite d'humeur, de ta foi invincible dans l'esperance, qui pour moi,
tel que je suis organise, valent la plus belle dot.
--C'est que justement je n'ai pas la moindre dot a t'apporter. Je
pouvais bien, quand tu etais aux abois, desespere et ecrase, demander a
devenir la femme du pauvre medecin de village que tu allais etre; mais
aujourd'hui, dans ta position, surtout dans celle que tu occuperas
avant peu, la pauvre petite Philis est-elle digne de toi? Tu me fais
aujourd'hui la plus grande joie que je peux gouter, celle a laquelle
je ne revais qu'en me disant que ce serait folie d'en esperer la
realisation; mais justement cela me donne la force de te demander
de reflechir, et de voir si tu ne regretteras jamais ce moment
d'entrainement qui me rend si heureuse.
--J'ai reflechi, et ce que tu me dis en ce moment prouve, mieux que
tout, que je ne me suis pas trompe; c'est une femme qui m'aime que je
veux, tu es cette femme-la.
--Plus que je ne peux le dire en ce moment, etourdie par le bonheur,
mais pas plus que je ne te le prouverai dans la continuite de notre
amour.
--D'ailleurs, chere petite, ne te fais pas d'illusions sur les
splendeurs de cette position dont tu parles; il est plus que probable
qu'elles ne se realiseront jamais, car je ne suis pas un homme d'argent
et ne ferai rien pour en gagner; a moins qu'il ne vienne tout seul...
--Il viendra.
--Ce n'est pas le but que je poursuivrai: celui que je voulais, je l'ai
en grande partie obtenu; si maintenant je gagnais de l'argent et me
creais une riche clientele, la jalousie de mes confreres me ferait
manquer ou attendre trop longtemps ce que je veux encore et ce que mon
ambition prefere a la fortune. Pour le moment cette position sera donc
modeste: mes quatre mille francs d
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