eul, et a sa demarche lourde, a son
pas trainant, on pouvait se demander s'il avait soixante ans,
tandis que, par d'autres cotes il gardait encore une certaine
jeunesse,--Saniel, vieilli de vingt ans.
Sans que personne echangeat un signe de tete ou un serrement de main
avec lui, il descendit sur le trottoir, et, le remontant, il vint
jusqu'au boulevard, ou il ouvrit la portiere d'un coupe dont l'interieur
montrait l'installation complete d'une bibliotheque ambulante: tablette
pour ecrire, avec papier, encrier et lampe, poches, soufflets tous
pleins de livres et de brochures.
Au moment ou il allait monter, une voix l'arreta:
--Cher maitre!
Il se retourna; c'etait un de ses anciens internes, medecin depuis peu
dans la banlieue, du cote de Gentilly, qui accourait.
--Qu'est-ce qu'il y a? demanda Saniel.
--Je voudrais vous prier de venir m'assister dans un cas d'eclampsie
tres curieux, ou votre intervention peut etre decisive.
--Ou?
--A la Maison-Blanche, une pauvre femme.... Quel jour pourrez-vous me
donner?
--Il y a urgence?
--Oui.
--Tout de suite alors; montez avec moi, apres avoir donne des
explications a mon cocher.
Mais a ce moment, un homme a cheveux blancs, vetu de velours marron,
coiffe d'un feutre cabosse et chausse de sabots, vint vers eux
accompagne de deux jeunes gens avec lesquels il discourait a haute voix
en gesticulant: sur leur passage on se retournait pour les regarder,
tant etait originale, au milieu des gens corrects qui a ce moment
passaient par la, la tenue du vieux Brigard, reste des pieds a la tete
l'homme d'autrefois.
Il vint a Saniel les deux mains tendues, et Saniel, chapeau bas,
l'accueillit avec toutes les marques du respect.
--Enchante de vous rencontrer, dit Brigard, car j'ai ete hier a votre
consultation sans vous voir.
--Comment ne m'avez-vous pas prevenu par un mot? Si vous avez besoin de
moi, je suis tout a vous.
--Merci, je n'ai pas, par bonheur, besoin de vos conseils, ni pour moi,
vous le voyez, ni pour les miens; c'etait simplement vous voir que je
voulais. Arrive chez vous avant l'heure, j'ai attendu dans votre salon,
puis sont entrees derriere moi plusieurs personnes: une jeune femme qui
paraissait cruellement souffrir; une vieille dame qui donnait tous les
signes de l'anxiete, enfin un homme agite de mouvements desordonnes qui
ne pouvait rester en place. Et moi, les regardant, je me disais que,
n'ayant qu'une visite amicale a vous faire, j'alla
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