Pour le concierge, nous partons a
la campagne. Pour Josephine, tu n'as pas a craindre de questions
indiscretes, je viens de lui donner son jour de sortie.
--Mais de l'argent?
--Il me reste deux cents francs de la vente de mon dernier tableau,
c'est assez pour l'heure presente; avant qu'ils soient epuises, j'en
aurai fait et vendu un autre; ne t'inquiete pas, nous ne manquerons de
rien.
Tout cela etait dit d'un ton saccade, mais resolu.
Un coup de sonnette les interrompit. C'etaient les demenageurs.
--Veille a ce qu'on n'emporte que ce qui nous appartient, dit Philis;
pendant qu'ils chargeront leur voiture, j'ecrirai dans le salon.
Au bout d'une heure, la voiture etait chargee. Madame Cormier entra dans
le salon pour en prevenir sa fille.
--J'ai fini, dit Philis.
Ayant enferme sa lettre dans une enveloppe, elle la disposa en belle vue
sur le bureau de Saniel.
--Maintenant partons, dit-elle.
Et comme sa mere soupirait en marchant difficilement:
--Appuie-toi sur moi, pauvre maman, tu sais bien que je suis forte.
IX
Saniel ne devait revenir qu'assez tard dans l'apres-midi. Quand il
rentra, en ouvrant la porte avec sa clef, comme toujours, il fut surpris
de ne pas voir sa femme accourir au devant de lui pour l'embrasser.
--Elle travaille, se dit-il, elle ne m'a pas entendu.
Il passa dans le salon, convaincu qu'il allait la trouver devant son
chevalet: mais il ne la vit point et le chevalet lui-meme n'etait plus a
sa place habituelle, ni la, ni autre part, d'ailleurs.
Il frappa a la porte de la chambre de madame Cormier, on ne repondit
pas; ayant frappe plus fort et attendu un moment, il entra; la chambre
etait vide plus de lit, plus de meubles, personne.
Il regarda autour de lui, stupefait, puis, revenant vivement dans le
vestibule, il appela:
--Philis!... Philis!
On ne repondit pas: il courut a la cuisine, personne; il vint dans son
cabinet, personne non plus mais comme il regardait autour de lui, la
lettre de Philis, placee sur son bureau, lui sauta au coeur; il se jeta
dessus, et d'une main tremblante l'ouvrit:
"Je suis partie pour ne plus revenir. Mon desespoir et mon degout de la
vie sont tels, que sans ma mere et sans le pauvre etre qui est la-bas,
je me serais tuee; mais malgre l'horreur de ma situation, il m'a fallu
reflechir, et je n'ai pas voulu aggraver par une faiblesse le mal qui
s'est fait autour de moi. Ma mere n'est plus jeune, elle est malade et
elle a cruel
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