lement souffert; non seulement je lui dois d'adoucir sa
vieillesse par ma presence, par le soutien materiel et moral que je puis
lui donner, mais il faut qu'elle garde la confiance que je suis la pour
la remplacer et ouvrir mes bras a son fils, a mon frere. C'est bien le
moins que je puisse faire pour eux de l'attendre courageusement; et si
pesante, si terrible, si effroyable que soit desormais ma vie, je la
supporterai pour que le malheureux, le paria que le sort implacable a
terrasse, trouve en revenant, un foyer, une maison, une amie. Ce sera la
mon unique but, ma raison d'etre, et afin de me sauver des lachetes, de
la lassitude, ma pensee ira toujours en avant vers l'heure ou me sera
rendu celui dont je veux faire mon enfant et que mon amour doit sauver
et guerir. Je sais que de longues annees me separent de ce jour, et que
mon coeur brise ne pourra jamais, avant qu'il se leve, avoir un moment
de repos; mais j'emploierai ce temps a travailler pour lui, pour
le frere, pour l'enfant, pour l'etre cheri qui m'arrivera vieilli,
desespere, et je veux qu'il puisse croire encore a quelque chose de bon,
qu'il n'imagine pas que tout est injuste et infame dans ce monde, car
il me reviendra accable par vingt ans de honte, de honte degradante,
immeritee. Comment les aura-t-il supportes, ces vingt ans? Quels
efforts ne me faudra-t-il pas faire pour lui prouver qu'il ne doit pas
s'abandonner a la desesperance, et que la vie offre parfois le remede,
la compassion aux plus profondes, aux plus injustes douleurs humaines!
Comment lui faire croire cela? Comment amener son pauvre coeur ferme
a la confiance, a l'epanchement, aux pleurs qui seuls pourront le
soulager? Enfin Dieu qui m'a tant eprouvee, viendra sans doute a mon
aide et m'inspirera les paroles consolatrices, me montrera le chemin a
suivre et me donnera la force de la perseverance; n'ai-je pas deja a le
benir d'etre seule au monde en dehors de la maman et du frere, de ceux
qui ne me trahiront pas? Je n'ai point d'enfants de mes entrailles, et
je suis sauvee de la terreur de voir une ame grandir pour le mal, une
intelligence m'echapper et aller vers l'infamie ou le deshonneur. Je me
retire donc comme je suis venue: pauvre fille j'etais, pauvre femme
je m'en vais. J'ai repris les vetements et les objets personnels que
j'avais apportes dans le logis commun, aucun de ceux acquis de l'argent
commun, et je vous interdis de rien changer a ma volonte en ce qui
touche cette question mat
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