-Philis... pardonne.
Il revait d'elle; pauvre ami, que voulait-il donc qu'elle lui pardonnat?
de l'avoir menacee de l'endormir, sans doute.
Dans l'entrebaillement de la fenetre, elle avanca la tete sans entrer
dans la chambre, tout attendrie de cette marque d'amour, pour lui donner
un regard avant de retourner pres de sa mere; mais en apercevant son
visage que la lumiere blanche du matin frappait en plein, elle fut
effrayee: il exprimait la plus violente douleur, ce visage aux traits
convulses, l'angoisse en meme temps que l'horreur. Certainement il etait
malade. Elle devait le reveiller. Au moment ou elle faisait un pas pour
aller a lui, il recommenca a parler:
--Ton frere... ou moi.
Elle s'arreta foudroyee, puis, instinctivement, elle recula et se
cramponna a la fenetre du vestibule pour ne pas tomber, se repetant les
deux mots qu'elle venait d'entendre, ne comprenant pas, ne voulant pas
comprendre.
Au lieu de revenir pres de sa mere, elle entra chancelante, se tenant
au mur, dans le salon et se laissa tomber sur un fauteuil, aneantie,
ecrasee.
--Ton frere, ou moi!
C'etait donc la verite, l'epouvantable verite, qu'elle n'avait jamais
voulu voir.
Elle resta la jusqu'a ce que les bruits du matin l'eussent avertie qu'on
allait la surprendre, alors elle revint pres de sa mere qui s'eveilla.
--Je sors, dit-elle, je rentrerai a huit heures et demie ou neuf heures.
--Mais ton mari ne te verra pas avant de partir pour l'hopital.
--Tu lui diras que je suis sortie.
Ce fut a neuf heures et demie qu'elle revint. Madame Cormier achevait de
s'habiller.
--Enfin, te voila, dit-elle.
Mais au visage de sa fille, elle vit qu'il se passait quelque chose de
menacant:
--Mon Dieu! qu'y a-t-il? demanda-t-elle tremblante.
--Une chose grave, tres grave, mais irreparable par malheur: nous allons
sortir d'ici pour n'y jamais revenir.
--Ton mari...
--Il faut ne jamais me parler de lui; c'est la priere que je t'adresse.
--Helas! je comprends. Ce que j'avais prevu, ce que je lui avais dit se
realise: tu ne peux pas supporter le mepris qu'a cause de ton frere il
fait retomber sur nous.
--Nous devons etre desormais etrangers l'un a l'autre, et c'est pour
cela que nous quittons cette maison.
--Mon Dieu, a mon age, trainer mes os...
--J'ai arrete un logement aux Ternes; une voiture de demenagement va
venir prendre les meubles qui nous appartiennent, ceux que nous avons
apportes ici, ceux-la seulement.
|