aisserait echapper des mots incoherents, elle ne put pas resister a la
tentation d'engager avec lui une conversation et de l'amener a confesser
ce qu'elle voulait savoir, ce que l'amour qu'elle eprouvait pour son
frere la poussait a vouloir apprendre. Si ce cas se presentait, lequel,
de l'amour pour le frere ou de l'amour pour le mari, l'emporterait? Si
elle l'interrogeait, que ne dirait-il pas?
Pour la premiere fois il se demanda s'il avait eu raison de se marier,
et si, au contraire, il n'avait pas commis une imprudence folle
d'introduire une femme dans une vie tourmentee comme la sienne. A cette
femme il avait demande le calme, et c'etait l'epouvante que maintenant
elle lui apportait.
A la verite, il n'y avait que la nuit qu'elle fut dangereuse, et s'il
trouvait moyen de faire chambre a part, il n'aurait rien a craindre
d'elle le jour, a condition de se tenir sur une defensive rigoureuse
l'aimant comme elle l'aimait, elle resisterait a la curiosite qui
l'entrainait... si l'inquietude la poussait, son amour la retiendrait,
ainsi qu'elle le disait elle-meme; peu a peu cette inquietude et cette
curiosite, n'etant plus surexcitees, s'apaiseraient, et ils pourraient
revoir les douces journees qui avaient suivi leur mariage.
Mais, dans les conditions presentes, ce moyen etait difficile a trouver,
car, proposer a Philis de faire deux chambres, c'etait avouer qu'il
avait peur d'elle, et par consequent lui donner un nouveau mystere
a etudier. Il chercha, et partant de l'idee qu'il fallait que la
proposition des deux chambres vint de Philis elle-meme, il arriva a une
combinaison qui, semblait-il, pouvait realiser ce qu'il voulait.
Ignorant qu'elle avait ete hypnotisee et ne se souvenant pas qu'elle
avait parle, Philis restait toujours, sans doute, sous la crainte
d'etre endormie; qu'il l'en menacat de nouveau, et certainement elle
chercherait a se defendre en lui echappant.
Ce fut ce qui arriva: quand, le lendemain meme, il lui dit que
decidement il voulait l'endormir pour savoir ce qui se passait en elle,
elle montra le meme effroi que la premiere fois.
--Tout ce que tu m'as demande, tout ce que tu as desire, dit-elle en
s'efforcant de se contenir, je l'ai voulu comme toi et avec toi; mais
cela, je ne l'accepterai jamais.
--Comme ta resistance est folle, je ne m'y arreterai pas.
--Tu ne m'endormiras pas malgre moi.
--Parfaitement.
--Ce n'est pas possible.
Sans repondre, il alla prendre un livre dans sa
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