e de Saniel et ses habitudes, il semblait que cette amitie ne
devait guere avoir d'influence sur lui: medecin, non courtisan; mais
il s'etait trouve que le medecin et le courtisan n'avaient fait qu'une
seule et meme personne, et que Saniel etait devenu le commensal du
ministere; il n'y avait pas de reunions, pas de fetes sans qu'il y fut
invite, et toutes il les acceptait, pour lui aussi bien que pour sa
femme.
Quel etonnement quand elle l'avait vu tout quitter pour aller s'asseoir
a la table du ministre ou figurer dans ses salons, et aussi quand les
observations a propos de la robe de la messe avaient recommence pour
celles des diners et des soirees!
Tout d'abord la robe du mariage avait ete appropriee a ces exigences par
un habile decolletage; mais elle ne pouvait pas toujours aller: il avait
fallu l'orner, la modifier, en faire avec une seule trois ou quatre, ce
qui n'etait pas facile; si ingenieuse qu'elle fut pour ces arrangements,
quelques metres de tulle et de gaze ne lui fournissaient pas des
combinaisons indefinies.
D'ailleurs, elles ne lui suffisaient point; il les trouvait trop
simples et voulait des dentelles, du jais, des fleurs, du brillant, du
clinquant, ce qu'il voyait aux autres femmes.
Comment le contenter avec les faibles ressources dont elle disposait?
Elle avait apporte dans son menage une economie d'avare; Joseph,
congedie, etait remplace par une bonne qui faisait tout, l'appartement,
la cuisine et meme un peu de blanchissage; cette cuisine etait d'une
simplicite de pauvres gens; mais ces petites economies, gagnees d'un
cote, fondaient vite d'un autre, dans les toilettes, dans les voitures
qu'il fallait prendre, bon gre, mal gre, trop souvent.
Alors elle avait voulu se remettre au travail, non des lecons, ce qui
n'etait plus possible, mais des menus, qui lui donneraient une centaine
de francs par mois assez facilement. Il n'y avait pas consenti, et,
comme elle insistait doucement, il s'etait fache:
--Cela ne serait pas digne de toi; je ne veux pas qu'on dise que ma
femme descend a ces besognes.
Il lui avait seulement permis la peinture; puisque autrefois elle avait
peint dans l'atelier de son pere pour s'amuser, et qu'elle n'avait
renonce aux tableaux, quand elle avait du gagner sa vie, que parce que
le temps lui manquait pour travailler honnetement; elle pouvait
s'y remettre, maintenant qu'elle n'etait plus poussee par la tache
quotidienne; si le metier etait honteux, l'art pouvait
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