que, par des passes, Saniel cherchait a
transformer en artificiel son sommeil naturel. Reussirait-il? Il
n'en savait rien, puisque l'experience etait neuve; mais enfin il la
risquait.
La premiere fois, au lieu de la mettre en etat de somnambulisme,
il l'avait reveillee; la seconde, il n'avait pas mieux reussi; la
troisieme, quand il vit qu'apres un certain temps elle n'ouvrait pas les
yeux, il supposa qu'elle etait endormie. Pour s'en assurer il lui leva
un bras, qui resta en l'air jusqu'a ce qu'il l'abaissat sur le lit.
Puis, lui prenant les deux mains, il les fit tourner, et retirant les
siennes, l'impulsion qu'il avait donnee continua jusqu'a ce qu'il
l'arretat: sa physionomie avait une expression de calme et de
tranquillite qu'on ne voyait plus en elle depuis longtemps: elle etait
la jolie Philis d'autrefois, au visage enjoue.
--Demain, je t'endormirai a la meme heure, dit-il, et tu parleras.
Le lendemain, en effet, il l'endormit, et plus facilement encore; mais,
quand il l'interrogea, elle resista.
--Non, dit-elle, je ne parlerai pas, c'est horrible, je ne veux pas, je
ne peux pas!
Il insista, elle se defendit.
--Eh bien, soit, dit-il, pas aujourd'hui, demain, mais demain je veux
que tu parles et que tu ne me resistes pas; je veux!
S'il n'avait pas insiste, c'etait non seulement parce qu'il savait qu'il
fallait une accoutumance pour la soumettre a sa volonte sans qu'elle put
se defendre, mais encore parce qu'il ignorait si elle garderait ou ne
garderait pas, eveillee, le souvenir de ce qui s'etait passe dans son
sommeil,--ce qui etait un point capital.
Le lendemain, elle fut ce qu'elle etait la veille, et rien n'indiquait
qu'elle eut conscience de son sommeil provoque, pas plus que de ce
qu'elle avait dit dans ce sommeil; il pouvait donc continuer.
Cette fois, elle s'endormit plus vite encore, plus facilement, et sa
physionomie prit de nouveau l'expression de tranquillite reposee qu'il
avait vue la veille. Allait-elle repondre? et, si elle y consentait,
parlerait-elle sincerement, sans chercher a attenuer ou fausser la
verite? L'emotion faisait trembler sa voix lorsqu'il lui posa sa
premiere question, c'etait sa vie, son repos, leur bonheur a tous deux
qui se decidait.
--Ou souffres-tu? demanda-t-il.
--Je ne souffre pas.
--Cependant tu es agitee, sombre quelquefois ou bien inquiete; tu dors
mal. Qui te tourmente?
--J'ai peur.
--Peur de quoi? De qui?
--De toi!...
Il frissonna.
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