ne fut ni trop clair ni trop sombre: trop
clair, parce que madame Dammauville pourrait le bien devisager; trop
sombre, parce qu'on allumerait les lampes. Il devait se souvenir que
c'etait precisement sous la lumiere d'une lampe qu'elle l'avait vu.
Jusqu'au soir, le temps fut incertain, avec un ciel tantot ensoleille,
tantot nuageux; mais a ce moment les nuages furent emportes par un vent
du nord, et le temps se mit decidement au froid, avec la clarte rose et
pale de la fin mars quand il gele encore.
En s'examinant bien, il eut la satisfaction de constater qu'il etait
plus calme qu'au matin, et qu'a mesure que le moment de l'assaut
s'etait rapproche son agitation s'apaisait: la decision, la fermete, le
sang-froid lui etaient revenus; il se sentait maitre de sa volonte et
capable de n'obeir qu'a elle.
A six heures precises, il sonnait a la porte de Balzajette, et tout de
suite ils partaient pour la rue Sainte-Anne. Heureux d'avoir un auditeur
aux oreilles complaisantes, Balzajette faisait tous les frais de
l'entretien, sans que Saniel eut a repondre de temps en temps autre
chose que oui ou non, et, bien entendu, ce n'etait pas de madame
Dammauville qu'il parlait, mais d'histoires mondaines: de la premiere
representation de la veille a l'Opera-Comique, a laquelle il avait
assiste; de politique; du prochain Salon, ou l'on verrait plusieurs
tableaux importants pour lesquels les peintres lui avaient demande son
jugement, certains a l'avance que ce serait celui de l'opinion publique.
A six heures un quart juste, ils arrivaient a la maison de la rue
Sainte-Anne, ou Saniel n'etait pas revenu depuis la mort de Caffie.
En passant devant la loge de la vieille concierge, qui salua
respectueusement Balzajette, il fut content de lui: son coeur ne battait
pas trop vite, ses idees etaient fermes et nettes, tout au moment
present, ni en deca ni au dela: si un danger se presentait il se sentait
assure de lui faire tete, sans affolement comme sans brutalite.
Au coup de sonnette tire de main de maitre par Balzajette, la porte fut
ouverte aussitot par une femme de chambre postee evidemment dans le
vestibule pour attendre leur arrivee.
Balzajette passa le premier et Saniel le suivit, en donnant un rapide
coup d'oeil aux pieces qu'ils traversaient: une salle a manger meublee
d'acajou, et un salon en tapisserie a la main de couleur fanee; ils
etaient arrives a une porte a laquelle Balzajette frappa deux coups.
--Entrez, repondit une
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