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--Ecris-lui la bonne nouvelle, en lui disant que tu es retenue par moi,
par Nougarede, le premier pretexte venu; je donnerai ta lettre au garcon
de Colliot qui va nous monter notre diner, et il l'enverra par un
commissionnaire.
La lettre fut vite faite.
--Maintenant, dit Philis joyeusement, je vais mettre la table; toi,
allume le feu; car il nous faut une belle flambee qui petille dans la
cheminee, nous egaie et tienne notre diner chaud. Qu'est-ce que tu as
commande?
--Je ne sais pas: deux diners.
--Tant mieux! nous aurons des surprises; nous laisserons les plats
couverts devant le feu, et nous les prendrons au hasard; peut-etre
mangerons-nous le roti avant l'entree; mais ce ne sera que plus drole.
Legere, vive, affairee, elle allait et venait autour de la table,
gracieuse et charmante.
Quand le garcon sonna, le couvert etait mis; Philis lui donna sa lettre
et le renvoya au plus vite, car elle avait hate d'etre en tete a tete
avec Saniel.
Alors ils s'assirent a table devant le feu, en face l'un de l'autre.
--Quel bonheur d'etre seuls, dit-elle, de pouvoir se parler, se regarder
librement!
C'etait avec une tendresse qu'elle n'avait jamais vue dans ses yeux
qu'il la regardait, une profondeur de contemplation emue qui la
bouleversait et l'aneantissait. De temps en temps, de petits cris de
bonheur lui echappaient:
--Oh! cher, cher, murmurait-elle.
Cependant elle le connaissait trop bien pour ne pas voir que souvent un
nuage de tristesse voilait ces yeux tout pleins d'amour, et que souvent
aussi ils etaient sans aucune expression, comme s'ils regardaient en
dedans. Tout d'abord elle ne dit rien; mais, a la longue, elle ne put
pas toujours imposer silence a l'inquietude: pourquoi cette melancolie
en un pareil moment?
--Quelle difference entre ce diner, dit-elle, et ceux de la fin
d'octobre! A ce moment, tu etais ecrase par les difficultes les plus
dures, en lutte avec les creanciers, menace de tous les cotes, sans
lendemain; et maintenant tout est aplani: plus de creanciers, plus de
luttes, les ennuis que je t'imposais ont pris fin, la vie s'ouvre facile
et glorieuse, le but que tu poursuivais est atteint, tu n'as plus qu'a
marcher droit devant toi, fier et superbe. Et pourtant il y a dans ta
physionomie une tristesse qui me tourmente. Qu'as tu? Parle, je t'en
prie. A qui te confesseras-tu, si ce n'est a celle qui t'adore.
Il la regarda longuement sans repondre, se demandant si, pour le repo
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