ntre, dont l'idee
seule l'avait epouvante au point de lui faire perdre la tete, allait
donc se produire et dans des conditions qui ne pouvaient pas ne pas
l'emouvoir. A la verite, les precautions qu'il avait prises, devaient
le rassurer, mais enfin il n'en restait pas moins une incertitude
troublante. Qui pouvait savoir! Il eut prefere qu'elle ne quittat pas sa
chambre, comme le traitement de Balzajette le donnait a prevoir, et
que Nougarede trouvat un moyen pour obtenir sa deposition sans qu'elle
l'apportat elle-meme; il se fut senti plus rassure, et c'eut ete d'un
esprit plus tranquille, avec un visage plus impassible, qu'il se fut
rendu a l'audience.
Etait-il vraiment meconnaissable? C'etait la question qui maintenant
l'obsedait, et plusieurs fois par jour il se placait devant une glace,
la photographie qu'il avait prise chez Philis a la main, et longuement
il comparait sa physionomie actuelle avec celle du portrait. Parfois
il trouvait que les dissemblances etaient telles que quelqu'un qui ne
saurait pas a l'avance que ces deux physionomies appartenaient a la meme
tete ne l'imaginerait jamais. Mais d'autres fois c'etaient des points de
contact qui le frappaient, et alors il se disait qu'ils pouvaient aussi
frapper madame Dammauville. La barbe, les cheveux etaient tombes;
mais les yeux, ces yeux d'acier, comme disait son ancien camarade le
photographe, etaient restes, et rien ne pouvait les changer ni les
cacher. Un moyen s'offrait: porter un lorgnon bleu ou des lunettes, se
blesser dans une experience de chimie qui lui imposerait un bandage;
mais ce serait un deguisement qui provoquerait la curiosite et des
questions d'autant plus dangereuses qu'il coinciderait avec la
suppression de la barbe et des cheveux.--Pourquoi donc a-t-il cherche
a changer si completement sa physionomie?--Il ne fallait pas qu'on se
demandat cela, car ce serait ouvrir une piste qui pouvait mener loin.
Mais ces inquietudes ne le tourmenterent pas longtemps, car Philis, qui
maintenant passait tous les jours rue Sainte-Anne, prendre des nouvelles
de madame Dammauville, arriva un soir desesperee et lui annonca que
ce jour-la la malade n'avait pu rester levee que quelques minutes et
qu'elle avait du reprendre le lit.
Elle n'irait donc pas a l'audience.
Cette apprehension de se rencontrer face a face, avec madame Dammauville
avait fini par l'exasperer: il se trouvait lache de la subir, et,
puisqu'il n'avait pas la force de la secouer, il et
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