ait aussi une explication suffisante, si jamais il etait
oblige d'en fournir une.
--Que t'a-t-elle dit? demanda-t-il.
--Pour commencer, de bonnes et gracieuses paroles qui montrent bien
quelle excellente femme elle est. Apres m'etre presentee deux fois chez
elle hier, tu comprends que je n'etais pas a mon aise en lui demandant
aujourd'hui de me recevoir encore. Comme je tachais de m'en excuser,
elle m'interrompit: "Je suis heureuse de voir votre devouement pour
votre frere, et vous n'aurez jamais a vous excuser de me demander
mon concours; il vous est acquis dans tout ce que je pourrai." Ainsi
encouragee, je lui expliquai ce que nous desirions d'elle; mais,
contrairement a la promesse qu'elle venait de me faire, elle parut peu
disposee a nous accorder ce concours. "Quelle singuliere procedure!"
repeta-t-elle plusieurs fois. Sans pouvoir lui donner les raisons de
M. Nougarede, je lui dis que nous etions obliges de nous conformer aux
conseils de ceux qui dirigeaient l'affaire, et que je la suppliais
de nous aider. Enfin, elle se laissa gagner, mais a regret et en
protestant. "Je ferai ce que vous voudrez, me dit-elle; mais je ne puis
pas vous assurer que les personnes de mon entourage et les gens a mon
service n'ont pas parle; de meme je ne peux pas vous promettre de
quitter ce lit pour me rendre a la cour d'assises le jour de l'audience;
il y a un an que je garde la chambre: on me promet un mieux prochain..."
--Elle compte se lever bientot? interrompit Saniel.
--Je te repete ses paroles, auxquelles j'ai prete assez d'attention
pour ne pas les oublier: "On me promet un mieux prochain, mais se
realisera-t-il? Je vais presser mon medecin pour qu'il me donne une
reponse, et, quand vous reviendrez me voir, je vous la communiquerai."
Profitant de la porte qu'elle m'ouvrait, je mis l'entretien sur ce
medecin: il me semble, mais je n'en suis pas certaine, qu'elle n'a en
lui qu'une confiance relative; il etait le camarade de classe de son
mari ainsi que de son beau-frere le notaire, il est le parent ou l'ami
de toutes les personnes qu'elle voit, il marie les filles, rompt les
liaisons compromettantes des garcons, raccommode les menages qui vont
mal, confesse les femmes, distrait les maris, choisit les domestiques
et, par-dessus le marche, quand l'occasion s'en presente, il soigne ceux
qui sont malades, les guerit quand ca se trouve ou les laisse mourir au
hasard; tu vois quelle categorie de medecins il appartient.
--Je
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