sait d'assister aux assemblees que presidait
l'abbe Nostradamus, jeune prince de soixante printemps!
Il y avait aussi les visions de certaine soeur Rose Colombe,
religieuse dominicaine decedee sur la cote d'Italie. Une grande
revolution eclaterait en Europe, les Russes et les Prussiens
changeraient les eglises en ecuries, et la paix ne renaitrait que
lorsqu'on verrait les lis, descendants de saint Louis, fleurir a
nouveau le trone de France, ce qui arrivera. _Ce qui arrivera_
terminait le paragraphe, avertissait que ce n'etait pas la une simple
hypothese, comme les savants en peuvent construire, mais une verite
incontestable prouvee par des extases.
--Oui, les lis refleuriront! aimait a repeter tante Dine, qui
attribuait un credit particulier aux paroles de la soeur Rose Colombe.
Avec cette certitude, elle se precipitait plus superbement dans
l'escalier des qu'elle pouvait supposer qu'on avait besoin de ses
services. Elle avait l'habitude d'accompagner d'interjections et
d'exclamations les innombrables travaux auxquels elle se livrait sans
repit. On l'entendait qui psalmodiait en balayant ou frottant, car
elle mettait la main a tout:
--Ils refleuriront pour le salut de la religion et de la France.
L'abbe ne se contentait pas des predictions qui retablissaient les
monarques chez nous. Sa sollicitude s'etendait jusqu'a la malheureuse
Pologne, et un soir, triomphalement, il apporta un journal de Rome ou
se trouvait consignee l'apparition du bienheureux Andre Bobola, qui
informait un moine de la restauration de ce royaume apres une guerre
qui mettrait aux prises toutes les nations.
--La Pologne, cette fois, est sauvee, conclut-il, satisfait.
--Pauvre Pologne, il etait grand temps! appuya tante Dine qui
compatissait a toutes les infortunes.
Il n'en fallait pas moins passer par des catastrophes avant de
parvenir a ces miraculeuses renaissances. Notre abbe incendiait
bravement l'Europe et consentait a la noyer dans un fleuve de sang,
pourvu que les lis refleurissent.
Les dames se plaisaient a l'entendre vaticiner. Ses narines se
gonflaient comme des voiles sous les vents favorables, et ses yeux
ronds se projetaient hors de la tete avec tant d'ardeur que l'on
pouvait craindre de les recevoir tout brulants. Il rompait aussi des
lances avec un parti qui admettait l'evasion de Louis XVII detenu a la
prison du Temple et l'authenticite de Naundorff. Mlle Tapinois,
notamment, prechait le naundorffisme, ce qui lui
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