Le trait qui rejoint la barre est trop horizontal pour un 1,
et ne l'est pas assez pour un 7.
--Ca n'a aucune importance, m'expliqua mon grand-pere a qui j'en
referai.
Cependant je ne doutai plus que ce fut 1810, lorsque mon manuel
d'histoire m'apprit que cette annee-la fut assassine Henri IV. Mon
imagination exigeait la rencontre d'un evenement historique. "_Le roi
sortit du Louvre en carrosse. Il etait au fond de sa voiture, dont les
panneaux se trouvaient ouverts. Un embarras de deux charrettes a
l'entree de la rue de la Ferronnerie, qui etait fort etroite, forca le
carrosse royal de s'arreter. Au meme moment, un homme de trente-deux
ans, de physionomie sinistre, de grande taille et de forte corpulence,
barbe rouge et cheveux noirs, Francois Ravaillac, met un pied sur une
borne, l'autre sur l'un des rayons de la roue, et frappe le roi de
deux coups de couteau dont le second coupe la veine pulmonaire. Henri
s'ecria: "Je suis blesse" et expira presque a l'instant._" J'ai
retenu mot pour mot le recit du manuel que je n'ai pas retrouve. Le
terrible portrait qu'il trace du meurtrier a sans doute aide ma
memoire. Et je pouvais mesurer l'importance des dates a ce trait
significatif que la figure du coquin accusait infailliblement trente-
deux ans. Trente-deux, et non pas trente et un ni trente-trois. La
rapidite du drame n'empechait point de noter ce detail avec
exactitude. Et quand l'historien ajoutait qu'en hate on ramenait au
Louvre le roi tout perce du poignard de Ravaillac, je me representais
le cortege a la porte de la maison. La maison, c'etait notre Louvre.
La cuisine etait peut-etre, etait surement la plus belle piece, la
plus vaste, la plus confortable, la plus honorable: on aurait pu y
donner des banquets et des bals. C'etait la mode autrefois et je ne
suis pas de ceux qui la blament, croyez-le, bien que j'aie ose
transformer cette cuisine en un hall dalle de marbre blanc et noir,
bien encadre de panneaux boises, bien eclaire par une baie vitree qui
occupe tout le cote du couchant. Je continue d'y chercher des marmites
et des casseroles, surtout la broche qu'on tournait, et d'y humer le
fumet des ragouts et des rotis, et chaque fois que j'y vois entrer des
invites, je suis tente de maudire la sottise des domestiques et de
m'ecrier: "Quelle drole d'idee de les faire passer par la!"
La gouvernait alors Mariette la cuisiniere. Son pouvoir etait absolu.
Meubles et gens, tout tremblait sous son despotisme. L'
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