illon des anges. Dans les
plus pauvres ruelles, des bonnes femmes etalaient au dehors tout ce
qu'elles avaient de precieux et jusqu'a des daguerreotypes de parents
ou des bonnets bien festonnes, afin de mieux honorer le passage du
Saint-Sacrement. Ainsi la ville entiere se parait comme une jeune
mariee pour la ceremonie nuptiale.
Devant l'eglise on se rassemblait, les confreries en costumes avec
leurs bannieres, les fanfares dont les cuivres frottes avec soin
reluisaient, les enfants des ecoles, celles des filles et celles des
garcons dont les plus petits agitaient des oriflammes, et la
population massee derriere ces compagnies officielles qui etaient
rangees en bon ordre. Alors sur le parvis s'avancait avec lenteur le
cortege sacre, tandis que sonnaient toutes les cloches a la volee:
anges aux ailes de papier d'argent, qui puisaient dans un petit panier
suspendu a leur cou les petales de fleurs dont ils jonchaient le
parcours; sacristains et clercs aux soutanes rouges, brandissant a
tour de bras les encensoirs d'ou montaient la fumee bleue et l'odeur
poivree; pretres en surplis, chanoines en rochet d'hermine, et enfin
sous le dais couleur d'or pale ou de froment mur, surmonte aux quatre
angles d'aigrettes de plumes blanches, et escorte par quatre notables
en habit noir qui tenaient ses cordons, Monseigneur enveloppe dans une
chasuble d'or et tenant sur sa poitrine le grand ostensoir d'or.
C'etait un instant solennel, et pourtant il y en avait un autre plus
impressionnant. Apres avoir parcouru toute la ville, la procession
defilait pour une derniere benediction sur cette place qui forme
terrasse au-dessus du lac et que soutiennent les murs d'un ancien
chateau fort. Il etait pres de midi. Les rayons du soleil, tombant
d'aplomb sur l'eau du lac, s'en servaient comme d'un miroir pour
doubler leur lumiere. Ils exaltaient toutes les couleurs et
principalement les ors ou ils allumaient des etincelles. Autour du
reposoir s'etaient groupes les differents corps, etendards deployes.
Les soldats qui les encadraient --en ce temps-la, pour la derniere
fois, la troupe participait a la pompe religieuse --se rassemblerent,
et l'on entendit commander: _Genou, terre!_ A ce commandement, tout
le monde s'agenouilla, les officiers saluerent de leurs epees nues et
les clairons sonnerent aux champs. Bien des vieilles femmes pleuraient
de bonheur en se prosternant, n'ayant plus besoin de rien voir pour
connaitre que Dieu etait la. Cependan
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