ton calme et confiant qu'ils avaient accoutume de
prendre pour regler, d'un commun accord, les questions qui nous
concernaient.
--Je ne voudrais pas, disait mon pere, qu'il le detournat de la
maison.
--Oh! repondait-elle comme si l'on etait coupable de s'arreter a cette
pensee, il ne ferait pas cela. Tu ne le crois pas de ton pere, n'est-
ce pas? Sans doute il a ses lubies, et ses idees ne sont pas souvent
les notres. C'est Dieu qui lui manque. Mais il est bon, il te sera
reconnaissant de ta confiance. Et nous ne pouvons pas nous adresser a
un etranger.
--Je ne suis pas sans inquietude, conclut mon pere.
Et, un peu plus tard, il reprit:
--Je lui parlerai. C'est indispensable.
Grand-pere, quand on lui proposa cette mission dont j'etais l'objet,
l'accueillit sans enthousiasme et sans hostilite, avec une
indifference qui me vexa:
--Moi, je veux bien. Que je me promene seul ou avec quelqu'un, ca
m'est egal. (Naturellement!) Les enfants, il faut qu'ils vivent
dehors. Les etudes ne servent a rien. C'est comme les remedes.
Mon pere dut avoir avec lui un entretien auquel je n'assistai pas, et
ce fut une affaire decidee. Comment se comporterait vis-a-vis de moi
ce nouveau compagnon? Il nous traitait, mes freres et soeurs et moi,
et jusqu'aux deux plus jeunes, en personnes raisonnables, seulement un
peu plus amusantes que les autres, et il attachait autant de
consideration a nos paroles qu'a celles des adultes; mais nous avions
l'impression qu'il nous confondait les uns avec les autres et qu'il se
passait de nous volontiers, ce qui nous semblait injurieux.
Pourquoi mon pere avait-il avoue a ma mere qu'il n'etait pas sans
inquietude? Le matin de notre premiere sortie, je le revois sur le
seuil de la porte. Il m'inspecte, il m'enveloppe tout entier de son
regard, puis, d'un geste resolu, il me prend la main et la met dans
celle de grand-pere avec une certaine solennite, convenable au roi
regnant, dont je fis la remarque:
--Voici mon fils, ajouta-t-il. Je vous le confie. C'est l'avenir de la
maison.
Grand-pere recut le precieux depot sans embarras et repliqua d'une
voix un peu bourrue, qui reduisait immediatement l'incident a des
proportions familieres:
--Sois tranquille, Michel. On ne te le prendra pas.
Entre les deux je souris. Comment grand-pere m'aurait-il pris a mon
pere?
Les moindres details de cette promenade me demeurent presents. Rien
n'est plus equitable: elle a tant d'importance dans ma v
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