tir de ses proprietes. Nous y penetrames, grand-pere et moi, bien
qu'elles fussent closes de murs, par des breches que nous avions
reperees.
Il m'entrainait sous les arbres, m'apprenait a ne pas confondre leurs
essences, et m'invitait a m'asseoir a leur ombre, mais sur la mousse
et non sur les bancs fallacieux que nous apercevions de loin en loin,
et dont les planches, travaillees par l'humidite, etaient pourries.
L'herbe poussait dans les allees. Pareilles a des voutes sous les
branches, ces allees conduisaient le regard a des portes de lumiere
qui, d'un cote, paraissaient bleues a cause de l'eau qui s'y
encadrait. On etait au mois de juin. Mille nuances de vert
s'enchevetraient, se mariaient autour de nous, depuis le vert clair du
gui parasite jusqu'au vert presque noir du lierre qui grimpait aux
chenes. Toutes les gammes du printemps chantaient. Et il y avait
encore, sous bois, des amas de feuilles rousses, vestiges de la saison
precedente.
J'eprouvais une vague peur a nous sentir seuls tous les deux parmi une
assemblee si imposante et silencieuse, et je voulus parler afin de
rendre plus reelle notre presence.
--Tais-toi, me dit grand-pere, tais-toi et ecoute.
Ecouter quoi? Et voici que peu a peu je percus une multitude de
rumeurs. Nous n'etions plus seuls, comme je l'avais cru:
d'innombrables etres vivants nous environnaient.
A de grandes distances, deux pinsons se repondaient regulierement. Le
plus eloigne reprenait en sourdine le couplet que l'autre lancait a
plein gosier. D'arbre en arbre, celui-ci se rapprocha de nous. Je le
vis, et mon oeil rencontra le sien, tout petit et tout rond. Comme je
ne bougeais pas, il resta. Mais que pouvaient etre ces coups sourds et
repetes? Les piverts aiguisaient leur bec contre les troncs. De
longues bandes de clarte se glissaient ca et la, a travers les
intervalles des branches, jusqu'au sol: dans leur rayonnement ou le
decoupage des feuilles s'accusait, des toiles d'araignees se
balancaient, dont je distinguais les moindres fils, et des guepes
bourdonnaient en dansant. Je finissais par entendre remuer l'herbe.
C'etait le travail secret de la terre sous l'action de la chaleur. Je
decouvrais une vie que je n'avais pas soupconnee.
--Grand-pere, quel est ce cri? demandai-je a voix basse.
--Ce doit etre un lievre. Cachons-nous et peut-etre, si tu es sage, ne
tarderons-nous pas a le voir.
Sur ce dialogue, nous nous coulames tous les deux derriere un buisson.
Je ne
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