rire sec qui lui servait si commodement a se debarrasser de ses
adversaires sans argumenter. Apres avoir murmure assez piteusement: "
Oh! mon Dieu, la belle affaire!" il chercha a gagner l'escalier pour
monter a sa tour. La, du moins, il serait a l'abri de tous reproches.
Mon pere, qui descendait, se trouva lui barrer la route. Le conflit
etait imminent. Et, par la pente naturelle de mon enfantine logique,
voici que je me rappelais ce retour de la procession qui m'avait
revele pour la premiere fois le meme antagonisme: mes parents, tout
vibrants de la ceremonie que grand-pere compara a la fete du soleil,
et mon enthousiasme fauche. Mais j'etais dispose a prendre ce souvenir
a la legere: sans m'en douter, j'avais change de camp.
Grand-pere, quand il entendit les pas sur les marches, me parut plus
gene. Il ne pouvait eviter la rencontre. Or, elle se passa le plus
tranquillement du monde. On causa du bon temps, de la promenade, des
recoltes. Par generosite, par deference, pour eviter une scene de
famille ou pour epargner un ennui a mon pere, ma mere garda le secret
sur notre retard.
Mais elle ne me vit plus sortir avec grand-pere sans poser sur moi ce
regard dont je sens encore l'angoisse. Par une ingenieuse combinaison,
elle nous adjoignit Louise ou meme la petite Nicole qui trottinait
derriere nous et dont les jambes de sept ans avaient peine a nous
suivre. Nous partions en bande, et grand-pere se montrait fort
mecontent de ces nouvelles recrues:
--Je ne vais pas, marmonnait-il, trainer apres moi toute la smala. Je
ne suis pas une bonne d'enfants.
--Allons donc, repliquait tante Dine, de si jolies jeunesses, tu es
trop heureux de t'exhiber dans leur compagnie.
Cependant j'estimais comme lui que la presence de mes soeurs nous
gatait nos courses. Avec les femmes, on ne peut plus causer de rien,
elles ne comprennent pas les choses de la terre, et elles se fachent
des qu'il s'agit de religion. Je n'etais pas eloigne, moi qui avais
montre tant de ferveur en premier communiant, de penser que ma mere
exagerait l'importance de notre office manque. Je me croyais libre
parce que j'avais l'esprit ferme a tout enseignement qui ne me venait
pas de grand-pere. Libre, chacun pouvait agir a sa guise. Nous
n'empechions pas les autres d'aller a la messe, et meme a la
grand'messe, et aux vepres pardessus le marche.
Les vacances acheverent de deranger nos tete-a-tete. Apres les
vacances, ce serait la rentree, et je reprendrais
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