ontres
menant leurs moutons a la montagne.
Nous revinmes aussi en pelerinage au pavillon que je devais appeler le
pavillon d'Helene, et l'on nous revit ensemble, de temps a autre, au
Cafe des Navigateurs, de sorte que je ne perdis pas entierement
contact avec mes amis.
J'entrais dans ma quatorzieme annee, je crois, a moins que ce ne fut
un peu plus tard, lorsque la ville fut le theatre de grands
evenements. Par le moyen des elections, on entreprit le siege de la
mairie, et le cirque Marinetti installa sa tente et ses roulottes sur
la place du Marche. Je ne sais lequel de ces deux faits inegaux eut
pour moi le plus d'importance.
A la maison, avec les preoccupations nouvelles de notre avenir, le ton
de la conversation devenait plus grave. Plus d'une fois je surpris mon
pere et ma mere qui s'entretenaient mysterieusement de la majorite de
Melanie:
--Le moment approche, disait mon pere. J'ai promis. Je tiendrai ma
promesse. Mais ce sera dur.
Et ma mere de repondre:
--Dieu le veut. Il nous donnera la force necessaire.
Cependant elle montrait, moins que mon pere, de la tristesse quand
elle parlait de ma soeur. De quelle promesse s'agissait-il et qu'est-
ce que Dieu voulait? Je me souvenais bien de la gravure de la Bible
qui representait le sacrifice d'Isaac, mais, depuis la messe manquee,
j'etais moins credule aux exigences de Dieu.
Melanie frequentait l'eglise, visitait les pauvres et repandait de
l'eau sur sa brosse le matin afin d'aplatir plus vite ses cheveux
blonds qui bouclaient naturellement et refusaient de se reduire en
bandeaux. Je savais ces details par tante Dine, qui ne cessait de
repeter:
--Cette enfant est un ange.
On ne pouvait plus se disputer avec elle. Mes parents ne lui donnaient
plus d'ordres; ils s'adressaient a elle avec douceur, comme s'ils la
consultaient. Moi-meme, sans savoir pourquoi, je n'osais pas la
brusquer et, m'accoutumant peu a peu au respect, je me detachais
d'elle et ne recherchais plus sa compagnie.
Les autres aines ne reparaissaient qu'aux vacances. Louise, de son
pensionnat de Lyon, ecrivait de tendres lettres que je trouvais un peu
niaises, parce qu'il y etait souvent question de ceremonies
religieuses et des visites de la superieure ou du passage de quelque
missionnaire. Bernard, brievement, racontait sa vie a Saint-Cyr, ou il
venait d'entrer. Et Etienne multipliait des allusions obscures a ses
projets qui s'accordaient avec ceux de Melanie. Je ne po
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