avais la certitude, ne repondait au nom de
Jean-Jacques. Au contraire il descendait volontiers au salon quand il
pensait y rencontrer des dames.
L'heure nous pressant, nous retraversames le bois de chataigniers,
mais pour sortir d'un autre cote, en trouant une seconde haie de
jeunes acacias. Je revis avec un plaisir manifeste des champs et des
maisons.
--Tiens, voila des proprietes! fit grand-pere devant ces cultures.
Et ses levres se chargerent de mepris. Sans me deconcerter, je
reclamai une orientation:
--Ou est la notre?
--Je n'en sais rien. Cherche la-bas, sur la gauche. Tu la verras bien
en rentrant. Moi, quand je me promene, c'est au hasard. On se retrouve
toujours.
Quand nous rejoignimes le grand chemin, je me serrai contre mon
nouveau precepteur, a cause d'un spectacle bizarre et inquietant que
j'apercevais:
--Grand-pere, regardez la route.
Au dela d'un talus, elle semblait venir a nous, d'un mouvement lent et
uniforme. Tout a l'heure, elle serait la. Grand-pere mit ses mains en
abat-jour pour mieux circonscrire sa vue et il me donna l'explication
du phenomene:
--Ce sont les moutons qui, au printemps, quittent la Provence pour
gagner les liants paturages. On les conduit ainsi par petites etapes.
Rangeons-nous sur le bord, a l'abri de ce tas de cailloux, et nous les
verrons defiler.
Ainsi averti, je separai bientot du chemin presque blanc le troupeau
d'un ton gris-jaune et brun qui composait une masse unique et
grouillante, continuee au-dessus de tous ces dos balances
regulierement par un mince nuage de poussiere qui, de chaque cote,
debordait sur les champs. Instantanement je revis l'image de ma Bible
qui representait Abraham s'en allant dans la terre de Chanaan.
Au-devant marchait un berger enveloppe dans une grande cape qui avait
du supporter le vent et la pluie bien des fois, car elle etait de la
couleur verdatre de ces toits de chaume sur lesquels de nombreux
hivers ont pese. Malgre le soleil, il ne semblait pas gene d'une si
ample couverture. Sans doute notre soleil n'etait pas celui qu'il
avait quitte. Son chapeau rabattu noircissait d'ombre tout le haut du
visage dont ne ressortait nettement que la barbe qui etait grise.
C'etait deja un vieil homme. Il avancait lentement avec un leger
dandinement de tout le corps. On aurait pu le confondre avec un
mendiant sans une involontaire majeste qui le recouvrait comme son
manteau, celle du capitaine qui dirige sa compagnie, celle du seme
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