qui etait vaste,
confortable et facile a chauffer, pour s'en aller ou? Nul ne l'aurait
devine: dans la chambre de la tour. Cette chambre etait des longtemps
deserte, et il y soufflait un vent du diable. Il n'eut pas plus tot
signifie sa volonte que tout le monde, apres d'infructueuses
tentatives pour obtenir son desistement, dut courir au plus presse
afin de l'aider sur l'heure dans son installation. Lui-meme, sans plus
attendre, prenait deja l'escalier avec son materiel le plus precieux.
--Laisse-nous au moins balayer, nettoyer et epousseter, lui notifia
tante Dine, armee de la tete de loup.
--Ce n'est pas la peine, assura-t-il. On vit tres bien avec les
araignees et la poussiere.
Ce scandale fut evite. On le devanca et il dut patienter quelques
minutes, ce qu'il n'aimait guere; apres quoi, resolument, il s'empara
de la rampe, muni de son barometre, de sa caisse a violon et de ses
pipes. Il redescendit pour remonter avec sa lunette d'approche. Le
reste de son demenagement ne l'interessait pas. Ses vetements, son
linge, ses meubles le suivraient ou ne le suivraient pas, au petit
bonheur. Il me temoigna sa confiance en m'invitant a porter un traite
d'astronomie, un volume sur les cryptogames dont je connaissais les
illustrations en couleur representant les principales especes de
champignons, et un autre ouvrage que je pris a son titre pour un livre
de piete: les _Confessions de Jean-Jacques Rousseau_. J'allais
oublier les _Propheties de Michel Nostradamus_ et une collection du
_Veritable Messager boiteux de Berne et Vevey_, almanach fameux et
precieux a tous egards, mais principalement pour ses bulletins
meteorologiques. Or grand-pere s'occupait beaucoup de l'etat de
l'atmosphere. Il le reniflait, pour ainsi dire, a sa fenetre, le matin
et le soir, au risque d'attraper un rhume, et il observait le
mouvement des nuages et l'eclat des etoiles. Volontiers il citait
l'autorite d'un certain Mathieu de la Drome, avec qui il etait en
correspondance et que nous avions pris l'habitude de considerer comme
un sorcier ou un rebouteur du temps. Lui-meme faisait des pronostics
et, si l'on voulait le flatter, on l'invitait a predire. Il ne se
trompait guere, soit que la chance le favorisat, soit qu'il eut bien
interprete la direction des vents. Et cette petite reputation qui lui
etait agreable le melait aux lois mysterieuses de la nature dont il
rendait les oracles.
Des qu'il eut transporte sa bibliotheque et ses instruments,
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