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pere et ma mere qui en cherchaient vainement la raison:
--Pourquoi se loger si haut?
Et grand-pere d'expliquer avec son mauvais petit rire:
--L'altitude m'a toujours reussi.
J'avoue que, dans cette circonstance, je tenais le parti de grand-
pere. La chambre de la tour avec ses quatre horizons, son isolement,
son odeur speciale --on ne l'ouvrait que pour y chercher les pommes
qui pendant tout l'hiver y murissaient --exercait des longtemps sur
moi un attrait irresistible. Puisqu'elle etait habitee desormais, je
me proposai de lui rendre des visites.
Cet episode fut bientot eclipse par un autre, beaucoup plus grave et
qui devait frapper davantage encore mon imagination. A mon retour du
college un matin, je fus avise par mon informateur habituel, tante
Dine, que cette fois c'etait definitif. Elle me donnait cette nouvelle
en grand mystere, mais le mystere meme, chez elle, se manifestait
bruyamment. Le mot _definitif_ prenait sur ses levres une importance
formidable. Qu'est-ce qui etait definitif?
--L'acte est signe. Tout a l'heure. Je suis bien contente.
Quel acte? Je n'y comprenais goutte.
--Eh bien! nous restons chez nous. _Ils_ ne peuvent plus rien.
Ne savais-je pas deja qu'_ils_ etaient en pleine deroute, disperses,
chaties, vaincus, battus, reduits a neant, comme les Perses de mon
histoire ancienne qu'une poignee de Grecs precipita dans la mer?
Comment pensait-elle m'eblouir en me communiquant un secret vieux de
plusieurs jours, peut-etre meme de plusieurs semaines, et dont tout le
monde avait pu s'entretenir librement? Un enfant n'entre pas dans le
pays des preparations, des lenteurs, des formalites et des paperasses
judiciaires. Mais un evenement capital allait illustrer la declaration
de tante Dine.
Grand-pere etait rentre de sa promenade plus tot qu'a l'ordinaire et,
comme l'un de nous remarquait cette ponctualite anormale, il s'etait
eloigne sans souffler mot. Quand nous penetrames, apres le second coup
de cloche, l'estomac creux et les dents longues, dans la salle a
manger, notre surprise fut grande de l'y trouver deja, assis devant la
table, et non pas a sa place officielle qui etait la place d'honneur,
au centre, en face de ma mere, ainsi qu'il convient au chef de
famille, au roi regnant. Sans prevenir personne de ses intentions, il
avait change les ronds de serviettes et s'etait alle mettre au bout,
en face de la fenetre. C'est vrai qu'il avait choisi une assez bonne
place, d'ou il pou
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